 |
Le temps qui passe | home
généalogie jacobs (Bockenheim=Bouquenom,Burbach.sarre-union)
| I
| I
|
I
I
I
Pierre Jacob né à Freyming
I
Etienne jacob né à Freyming
I
Joseph Jacob x Rose Formery
I
Alphonse Jacob
I
Marcel Jacob
La tombe de mon arrière grand-père Etienne Jacob (né à Freyming) au cimetière de Théding
|

L'histoire commence à Burbach un village près de Sarre Union en Alsace Bossue avec Jacob Jacobs né vers vers 1600 (mort vers 1657) @ , il est de confession Calviniste, originaire de
il est tisserand de laine drapier et épouse Maria ------ leur acte de mariage (13 nov.1642 pd burbach) se trouve dans le registre du Pasteur luthérien de Bouquenom
Paul Jacobs se marie à Bouquenom le 26 novembre 1669 avec Ève Elisabeth Klein , il a 25 ans. (registre protestant du Pasteur J.H. Wintzheimer)
Ils s'installent à Bouquenom où naîtront leurs enfants.:8 naissances sont citées entre 1671 et 1692 (tous inscris dans le registre protestant sauf le dernier) ,dont Philippe Jacob le 2 sept. 1685 C'est l'un des tous derniers enfants baptisés par le pasteur Wintzheimer; il y a eu la révocation de l'Edit de Nantes et l'interdiction du culte protestant et l'arrestation de tous les Pasteurs du secteur (emprisonnés à Bitche)
tous les protetants sont forcés manu-militari de se convertir au catholicisme...beaucoup feront semblant de le faire
Philippe sera Maître de Poste aux chevaux, boulanger aubergiste à Bouquenom et conseiller à l'Hotel de Ville.
dix enfants naquirent de cette union, 7 filles et 3 garçons.
, substitut des procureurs généraux et maire de Bouquenom en 1695. Un notable de la Ville.
- Sa mère Maria Margareth Winzheimer est née à Bouxwiller le 21 juillet 1665 et baptisée le même jour par le pasteur Haslauer ,le parrain était l'inspecteur du consistoire et le premier pasteur des comtes de Nassau à Bouxwiller
- le père de Maria Margareth est Jean Henri Winzheimer ( Vinsheimer) , né à Darmstadt en 1636 ,il
a été Pasteur luthérien a Bouquenom de 1667 à 1687 , puis Bailly
Grâce aux travaux de Laurent Jalabert dans sa thèse: "Droits, confessions et coexistences religieuses de1648 à 1789",...
Jean Henri Winzheimer
Né à Darmstadt il s'inscrit à la faculté de théologie de Strasbourg en juin 1657, parlant bien le français il est recommandé par la Faculté au poste de pasteur d'abord à Imbsheim et comme professeur de français à Bouxwiller.
A la fin de l'année 1667 il est appelé comme Pasteur à Bouquenom
Nous sommes dans une période où les catholiques font pression pour obtenir des conversion de protetants.
Le 2/12/1685 ,18 ans après ses débuts à Sarre Union il se convertit ainsi que sa famille à la foi catholique à Metz.
Il doit jouer un rôle important dans le renouveau du catholicisme à Bouquenom et obtient le titre et la fonction de lieutenant de bailli.
Il décède le 11 octobre 1689 53 ans à Bouquenom.
son grand-père Turbert Francois est notaire royal à Bouquenom.
Henry sera également notaire royal mais à... Wolmunster qui fait partie du Baillage de Bitsch
Volmunster est rattaché au comte de Bitche en 1606 il y a un Seigneur et un château.
Après la guerre de 30 ans, puis la peste ,il ne reste plus rien . Tout le Bitcherland est ravagé.
En 1697 le duc de Lorraine Léopold s'efforce de repeupler la région.
Henry Jacobs épouse Marié Claire Hoerendl (de Volmunster ?) ,leur fils Jean Nepomucene Philippe Michel naît à Bouquenom le 31 mars 1747 à Bouquenom.
Philippe épouse à Freyming Anne Marie Becker et quitte Bouquenom pour installer sa famille à Freyming en Moselle
Il auront 15 enfants.
Pour nourrir cette grande famille il est manœuvre,boulanger et cultivateur.
Il décèdera à l'âge de 62 ans à Freyming le 31/1 1807.
C'est son fils Pierre ,le dernier de la fratrie, qui nous intéresse ,il voit le jour en 1798
Pierre Jacob ne le 20 aout 1798 à Freyming.
est tailleur d'habits
Il se marie le 3 septembre 1827 à Freyming avec Angélique Haag couturière(1803-1869)
Ils auront 9 enfants.
L'ainé de ses enfants , Pierre Étienne Jacob1829-1893 marié le 4 septembre 1860 à Theding avec Suzanne Formery de Théding .Il aura son atelier de menuisier à Théding ; il est mon arrière grand-père paternel.
Avec lui commence une lignée de menuisiers ébénistes .
Il s'installe à Theding et y décèdera en 1893 et repose au cimetière de Theding ou on peut encore voir sa tombe.
son fils Joseph Jacob mon grand-père paternel :
Né à Freyming en 1865 ,également menuisier, il épouse Rose Madeleine Formery le 15/10 /1895 à Tenteling
Mon grand-père Jacob Joseph et ma grand-mère Rose Formery 
que je n'ai pas connue : elle est morte le jour de ma naissance (à 82 ans )
|

BURBACH La démolition du presbytère validée par le conseil municipal DNA 22-9-2022
Au terme d’une séance parfois tendue, le conseil municipal de Burbach a décidé, lundi soir, de démolir le presbytère pour laisser place à une aire de jeux et un city-stade. Et ce, malgré les arguments avancés par trois défenseurs de la bâtisse datant de 1598.
Par Julien MEYER - Hier à 18:00 | mis à jour hier à 18:02 - Temps de lecture : 3 min
3 | | Vu 397 fois
« Un point s’est greffé entre-temps à l’ordre du jour », annonce le maire de Burbach, Christian Klein, lundi soir en préambule de la séance de conseil municipal. Ce point concerne l’ancien presbytère de 1598 que la mairie envisage de démolir pour installer une aire de jeux et un city-stade. Au début du mois de septembre, l’information est arrivée jusqu’aux oreilles de l’association pour la sauvegarde de la maison alsacienne (ASMA), représentée lundi soir par son vice-président Denis Elbel.
« Quinze jours avant de démolir, tout le monde se réveille ! »
Ce dernier, pour tenter de convaincre l’équipe municipale à revoir sa position, s’est présenté devant le conseil municipal accompagné de Sandu Hangan, architecte des Bâtiments de France (ABF) et de Jean-Christophe Brua, architecte du patrimoine.
« Cela fait deux mandats qu’on travaille dessus et depuis, rien ne s’est passé, tonne le premier magistrat. Et quinze jours avant de démolir, tout le monde se réveille ! » « Vous aviez indiqué ne pas vouloir vendre », assène Jean-Christophe Brua. Lors des années 2016 et 2017, sous le mandat du maire Claude Terrasson, l’équipe municipale avait déjà pour projet de raser le presbytère , une décision motivée par le coût important de sa réhabilitation. L’ASMA était déjà intervenue et les positions avaient alors été gelées. « Pas de vente sans projet d’aménagement du terrain en contrebas, pour en faire une aire de jeux par exemple. Et pour l’instant, nous n’avons pas les finances pour imaginer quoi que ce soit », avait signifié, à l’époque, Claude Terrasson dans nos colonnes.
Un projet d’aire de jeux et de city-stade
Sauf qu’en 2018, les personnes ont changé : Christian Klein a pris la succession d’un Claude Terrasson démissionnaire. Réélu en 2020, il a peaufiné le projet d’une aire de jeux et d’un city-stade (estimé à environ 250 000 ) au côté de son équipe. « On peut concilier ce projet avec la revente, le terrain est vaste », soutient Denis Elbel avant d’indiquer : « On a des gens intéressés pour acheter le presbytère. » Pourtant, selon l’édile, « aucun acquéreur n’est venu toquer à ma porte… ». Aux dires de Jean-Christophe Brua, la restauration de la bâtisse tournerait autour de « 200, 250 000 ». « C’est un prix élevé, on est à Burbach », répond Christian Klein.
De l’extérieur, l’architecte du patrimoine en convient : « le bâtiment est triste » et « n’a pas fière allure ». « On comprend la vision que peuvent avoir les gens », ajoute-t-il. Mais le presbytère recèle de jolis trésors avec ses encadrements moulurés, sa chapelle privative ou ses fenêtres à meneaux, sans oublier les poutres en chêne de 30 cm d’épaisseur dans la cave. « On est sur un édifice architectural et patrimonial très intéressant », résume-t-il. Le discours de Sandu Hangan vient renforcer ces observations, après une visite des lieux. « Il y a des éléments assez exceptionnels du point de vue de la conservation, comme le torchis, les poutres ou les parquets. C’est hallucinant de vouloir raser un tel bâtiment. »
Christian Klein : « J’assume »
Jean-Christophe Brua propose une solution : laisser s’écouler une période de six mois pour trouver un acquéreur, faute de quoi, « vous pourrez démolir », tout en rappelant le maire et ses conseillers à leur responsabilité d’élu. Dans sa démarche, le trio a reçu le soutien de Frédéric Bierry, le président de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA). Dans un courrier, ce dernier a appelé Christian Klein « à reconsidérer le projet dans sa globalité ». Une fois la délégation repartie sous d’autres cieux, le conseil municipal a soumis au vote le destin du presbytère. Sans trop de surprise, la bâtisse sera démolie très prochainement. « J’assume », a conclu avec fermeté Christian Klein.
La fin de l'histoire quelques jours plus tard...c'est bien triste
photo DNA 29/9/2022
|

http://docnum.univ-lorraine.fr/public/NANCY2/doc282/2006NAN21020.pdf
........juillet 1629 : le duc de Lorraine François II reçoit Bouquenom40 et Sarrewerden, l’ancien
chef-lieu du comté ; le reste du comté restant aux mains des Nassau-Sarrebruck qui
l’administrent depuis un siècle et y ont introduit la religion luthérienne comme dans
l’ensemble de leurs possessions après 1565. Fort de la décision du Reichskammergericht,
François II ne perd pas de temps : le 30 juillet, ses troupes occupent Bouquenom, puis
Sarrewerden le 1er août 1629. Très vite, les Lorrains investissent dans les faits l’ensemble des
villages du comté et même les villages de Lohr (appartenant au comte-palatin de la PetitePierre)41, Metting et Posdorf (appartenant aux Rhingraves ou Rheingrafen)
42. Cette pénétration officielle lorraine au cœur des villages luthériens du comté de Sarrewerden
bouleverse la donne confessionnelle dans la région. Avec les Lorrains, l’heure de la
reconquête catholique sonne. Le 28 août, les seize ministres protestants du comté sont appelés
à se présenter devant le procureur Rousselot à Sarrewerden, mais seuls trois répondent à
l’injonction43, rejetant cette autorité étrangère dont ils se méfient. Face à cette résistance,
Nicolas de Serinchamps, représentant le duc de Lorraine, fait alors arrêter par une troupe de
cinquante fusiliers treize des seize pasteurs récalcitrants. Ces derniers sont emprisonnés sous
bonne garde à Sarrewerden. Nicolas de Serinchamps offre cependant rapidement la liberté à
ces otages encombrants : il leur ordonne de sortir du comté sous vingt-quatre heures, à peine
de confiscation des biens et de mort s’ils reviennent. Ceux-ci s’exécutent et se réfugient à
Sarrebruck44. Pourtant, l’affaire ne s’arrête pas là. Le comte de Nassau-Sarrebruck refuse
d’admettre cette main-mise lorraine et encourage les pasteurs chassés à retourner soutenir
spirituellement ses sujets protestants. Quelques-uns uns répondent à l’appel de GuillaumeLouis et bravent l’interdit afin de célébrer l’office le douzième dimanche après la Trinité, le 2
septembre 1629, à Altweiler, Bütten, Drulingen, Domfessel et Völlerdingen. De son côté, le
pasteur Jost Holler de Bouquenom n’hésite pas à venir baptiser en septembre 1630 deux
nouveau-nés ; il réitère la bravade en avril 1631. Les pasteurs du comté de Sarrewerden
ayant perdu leurs bénéfices, une collecte est organisée le jour de la nouvelle année 1630 dans
les communautés dépendantes du Nassau afin de subvenir à leurs besoins et de les encourager
à poursuivre leur soutien spirituel aux fidèles soumis à la tutelle lorraine. Cette collecte
remporte un certain succès auquel contribuent également des princes voisins, comme les
Rhingraves et le duc de Deux-Ponts.
Les princes lorrains ne se contentent pas de chasser les pasteurs, ils travaillent au
renforcement de la religion apostolique et romaine en faisant appel à des prêtres lorrains et
étrangers. Le duc François II nomme des prêtres à plusieurs paroisses, de par le droit de
patronage octroyé par un décret du pape Urbain VIII. Un ordre du 28 janvier enjoint les
sujets d’adhérer à la doctrine enseignée par les jésuites et les autres prêtres, mais comme
celui-ci reste lettre morte, François II effectue une visite personnelle du comté début mars afin
de menacer de bannissement toute personne refusant de se plier à la nouvelle foi. Les
récalcitrants sont alors enfermés et contraints par la force à se convertir. L’action menée par
le duc est soutenue par les pères jésuites. Dès le début de l’occupation lorraine, le duc
organise des réunions de controverse animées par des pères du Collège de Nancy sur certains
points de la foi catholique. Pourtant, un problème de langue fait d’emblée obstacle à l’action
des jésuites : de langue française, les pères de Nancy ne peuvent se faire entendre d’une
population essentiellement germanophone. C’est pourquoi le duc de Lorraine fait appel aux
Collèges de Luxembourg et de Trèves qui lui envoient respectivement deux prêtres. Les
prédications auraient alors touché la population avec un tel succès que le duc demande avant
Pâques 1630 aux jésuites de Molsheim de lui envoyer de l’aide : deux nouveaux pères
viennent alors œuvrer dans le comté. François II désire affermir la religion catholique par la
création d’un collège à Bouquenom qui doit être une station de mission pour le comté et les
pays voisins de langue allemande. Il confie son projet au Général des jésuites Mutius
Vitelleschi qui répond favorablement à cette fondation en terre de contre-réforme. Le 1er
décembre 1630, la charte de fondation du collège est signée. Parmi les exigences du duc qui
pourvoit généreusement la nouvelle fondation51, six élèves doivent avoir une bonne maîtrise
de la langue allemande afin d’être en mesure de desservir régulièrement les paroisses du
comté et de la prévôté de Herbitzheim. Le problème de la dépendance du collège se pose
alors : Bouquenom doit-il dépendre de la province de Champagne ou de celle du Rhin
supérieur ? La contrainte linguistique entraîne la décision du Général qui intègre le collège à
la province du Rhin supérieur. Les pères de Nancy s’en retournent et sont remplacés par des
Pères issus de l’évêché de Mayence. Le 1er mars 1631, François II fonde un couvent de
nonnes à Bouquenom destiné entre autres à l’éducation des jeunes filles.
Le renouveau catholique dans les villages du comté reste toutefois très fragile. La population
protestante trouve encore le soutien ponctuel des pasteurs qui, pour certains, se sont réfugiés
dans les environs immédiats, dans les seigneuries luthériennes de Fénétrange, Diemeringen et
le comté de la Petite-Pierre. A cela s’ajoute le fait que le duc de Lorraine n’a pas les troupes
nécessaires pour imposer les changements voulus ; d’autre part, l’encadrement catholique
paraît avoir été lacunaire54. Cependant, il semble que la messe ait pu être dite régulièrement
dans au moins six églises55. De plus, des maîtres d’école catholiques sont attestés à
la dépendance des Nassau-Sarrebrück. Dans l
Mackweiler ainsi qu’à Berg. Encore faut-il souligner que ce dernier n’est autre que le
maître d’école protestant converti à la foi catholique : conversion sincère ou conversion de
circonstance afin de conserver sa place dans des temps difficiles ? Il est délicat de trancher. La
faiblesse de la pénétration catholique se lit également dans la concession faite par le duc aux
protestants du comté : ceux-ci obtiennent le droit au culte mais dans un seul lieu. Ils
choisissent Bouquenom, sous la direction du pasteur Holler qui doit prêter serment, avant son
retour en fonction, de ne point prêcher contre la Vierge et les saints, ni contre la Maison de
Lorraine.
L’ensemble de la recatholicisation dans le comté de Sarrewerden est remis en cause par le sort
des armes. En 1633, les Suédois occupent le comté et mettent fin à l’activité jésuite. En 1635,
l’opiniâtreté des deux derniers pères jésuites est vaincue par les violences de la soldatesque :
les jésuites quittent Bouquenom. Les Lorrains réoccupent le comté en 1641 et sont
accompagnés de deux pères jésuites de Nancy. Ceux-ci ne s’emparent cependant pas de
l’église paroissiale et se contentent d’officier dans la chapelle du collège. Dans un contexte
militaire très changeant, les jésuites ne peuvent plus espérer un véritable soutien du duc de
Lorraine ; tout au plus, les accalmies leur permettent de donner les sacrements aux anciens
catholiques de Bouquenom et Sarrewerden et, épisodiquement, de desservir les villages
alentours. Il est alors difficile de parler de recatholicisation, bien que quelques conversions
aient lieu.
La Maison de Lorraine profite également de l’extension de son influence lors de mariages
ou d’achats territoriaux, comme c’est le cas au sud du comté de Sarrewerden pour la
principauté de Lixheim (voir carte 7), pour avantager la religion catholique. L’acquisition de
la principauté calviniste64 offre en effet au duc de Lorraine l’occasion d’intervenir en faveur
de la religion catholique. En 1623, le duc de Lorraine Henri II achète à Frédéric V la terre de
Lixheim en faveur du prince de Phalsbourg, son neveu Louis de Guise. Henri II confirme
dans les clauses d’achat le libre exercice de la religion réformée : « les sujets résidants à
Lixheim seront maintenus dès maintenant et à toujours en l’exercice de leur religion, sans que
nous y apportions ou permettions d’y apporter aucun changement de notre part en façon
quelconque ; et s’il advenait que les bourgeois et habitants dudit Lixheim fussent inquiété en
la liberté de leur religion et contraints à cette occasion de se retirer ailleurs, en ce cas, nous,
nos hoirs et ayant cause, serons tenus leur faire remboursement des frais par eux employés
aux bâtiments de leurs maisons et demeurances […] ». Pourtant, Louis de Guise et son
épouse Henriette, avec le soutien de l’empereur Ferdinand II et du duc de Lorraine, cherchent
rapidement à restaurer le catholicisme dans leur nouvelle possession, faisant fi des accords
touchant la religion67. Sous l’impulsion de l’évêque et du chapitre de Strasbourg68,
l’Empereur écrit en 1628 au duc de Lorraine et au prince de Lixheim de tout faire pour
restaurer la religion catholique à la place de la « fausse » religion69. De son côté, Ferdinand II
érige la seigneurie en principauté immédiate d’Empire en 1629 qui reste cependant soumise à
la juridiction de l’évêque de Metz. La même année, les calvinistes se voient interdire le culte
dans l’église du couvent de Saint-Benoît ainsi que le culte dans toute la principauté, sous la
justification que tous les sujets de la maison princière doivent être catholiques. Cette
application du jus reformandi est toutefois atténuée quelques années plus tard : Louis de
Guise accorde à ses sujets calvinistes la construction d’un temple à leurs frais. Cette mesure
est peut-être prise au regard des conséquences de la guerre qui freinent toute entreprise de
reconquête catholique. Si Lixheim reste préservée jusqu’en 1632 des malheurs de la guerre,
alors que les Suédois de Gustave Horn ravagent Sarrebourg, Fénétrange et les environs de la
Sarre, cela ne dure guère70. Les Suédois campent dans les environs de la ville et l’absence
d’officiers lorrains favorise le maintien de la communauté calviniste : en 1636, un pasteur
nommé Claude Guillot71, venu avec les troupes suédoises, persuade les habitants de la ville de
le choisir comme pasteur. Mais, lorsque celles-ci investissent la ville la même année, elles
n’épargnent personne, pas même le pasteur Deschamp qui survit cependant à un coup de
sabre. Comme dans le comté de Sarrewerden, la guerre freine pour un temps la progression
catholique à Lixheim, mais à la différence du cas précédent, l’avenir est moins favorable pour
les calvinistes du lieu qui restent sujets d’un prince catholique.
Sur les marges orientales du diocèse de Metz, en dehors des terres d’Empire enclavées dans
les possessions lorraines – comté de Sarrewerden et principauté de Lixheim – la reconquête
catholique semble être constituée par des actions ponctuelles guidées par les événements. Il
est vrai que le duc de Lorraine, qui peut prétendre au titre de champion de la cause
catholique, ne possède pas dans la région de la Sarre les moyens militaires nécessaires pour
faire valoir ses prétentions ; il ne peut guère qu’occuper momentanément certains lieux,
favoriser les initiatives des religieux de Wadgassen ou de Fraulautern. Cependant, si les
événements suivants de la guerre gomment en partie les acquis du catholicisme, ils ne les font
pas disparaître. Les comtes de Nassau vont devoir faire la paix en tenant compte de la
présence de davantage de catholiques dans leurs terres.
Les princes d’Empire catholiques travaillent de leur côté depuis le XVIe siècle à freiner la
progression du protestantisme, à l’exemple de la branche catholique de la maison de Bade. En
effet, à partir de 1622, le margrave de Bade-Bade entreprend la recatholicisation du
margraviat (rive droite) et de la seigneurie de Gräfenstein située au nord de Pirmasens73.
Comme en Lorraine ducale, les pasteurs et leurs familles doivent quitter ses terres. Il est alors
nécessaire de pourvoir 37 paroisses ; pour cela, Guillaume fait appel à l’évêque de Spire et au
Provincial jésuite de la Province du Rhin supérieur. Les jésuites entreprennent alors des
missions de conversion avec un certain succès : environ 5000 nouveaux catholiques sont
comptabilisés en 1623 ; tous les habitants sont définitivement convertis de la seigneurie de
Gräfenstein. Cette politique est intéressante à bien des égards car l’ensemble des moyens et
des méthodes de conversion utilisées par les princes catholiques dans la seconde moitié du
siècle sont déjà mis en œuvre, que ce soit la patiente persuasion (1622-23) ou la plus sévère
contrainte (envoi de troupes). L’action du margrave ne s’arrête pas là. Lui aussi profite du sort
des armes pour favoriser la cause catholique comme dans le comté de Sponheim (voir cartes
4 et 7)
75. La Hintere Grafschaft Sponheim est restée luthérienne alors que la Vordere
Grafschaft Sponheim a connu une forte implantation calviniste de par la volonté de Frédéric
III de Palatinat-Simmern (1559-1576), malgré les protestations de la Maison de Bade et de
l’empereur. En conséquence, les tensions confessionnelles sont importantes dans cette partie
du comté. Philippe II de Bade (1569-1588) tente vainement de faire reconnaître au comtepalatin l’exercice public de la religion pour les catholiques. La religion luthérienne ellemême connaît un net recul dans les deux dernières décennies du XVIe siècle. Enfin,
l’influence du Palatinat se fait plus pressante dans la partie badoise du condominium : à la
suite du décès du margrave Eduard Fortunat, en 1600, le comte-palatin récuse toute
succession et annexe l’héritage badois77. L’ensemble du comté connaît d’importants
changements religieux dans les premières années de la guerre. A la suite de la déroute
militaire face aux Espagnols de Spinola, le comté de Sponheim et les possessions palatines de
la rive gauche du Rhin tombent entre les mains de ces derniers jusqu’en 1632. Les Espagnols
mettent en place un gouvernement à Kreuznach sous la direction du gouverneur général
Guillaume Verdugo puis de Philippe de Silva (1629). Le margrave Guillaume est réintroduit
dans ses droits mais les Espagnols restent les maîtres du comté. Les événements semblent
justifier la recatholicisation : la victoire catholique à la bataille de la Montagne Blanche est
interprétée comme un signe de l’approbation divine79 ; de plus, au regard de la loi d’Empire,
les calvinistes ne sont pas reconnus officiellement par la paix de 1555. A partir de 1623, le
gouverneur espagnol Claude de Humyn, le margrave de Bade, l’archevêque de Trèves et
évêque de Spire, Philippe Christophe von Sötern, travaillent à la reconquête catholique. Dans
la Hintere Grafschaft Sponheim, occupée dès 1620 par les Espagnols, les luthériens ne sont
point soumis à une telle entreprise car protégés par la paix d’Augsbourg, du moins au cours
des premières années80. Mais déjà en 1626, de Humyn songe à céder la partie palatine au
margrave Guillaume afin que celui-ci y mène à bien la restauration du catholicisme. Le 21
mars 1628, l’archevêque de Trèves fait part à l’Empereur de sa volonté de convertir cette
partie du comté de Sponheim. Celui-ci lui donne son approbation, mais pas de vrai soutien ;
Philippe Christophe von Sötern trouve davantage d’aide auprès du margrave pour
recatholiciser le bailliage de Trarbach. En 1629, l’église de Trarbach, jusque là partagée
entre les luthériens et les catholiques, est attribuée à ces seuls derniers. La recatholicisation est
encore plus soutenue dans la Vordere Grafschaft Sponheim et dans le Palatinat électoral82.
La première phase de la restauration catholique (1620-1631) contribue à la mise en place d’un
clergé épars, souvent en coexistence avec un pasteur. A Oberingelheim, les Espagnols
introduisent un prêtre mais le pasteur réformé reste en fonction. Les premières restitutions de
couvents ne sont pas toujours couronnées de succès, comme à Kreuznach, en 1621, où la
résistance du conseil de ville a empêché la réintroduction des franciscains83. Cependant, en
1623, c’est chose faite. Le processus s’accélère alors. En 1624, les carmes et les jésuites sont
à Kreuznach, sous la protection de l’Infante et du margrave de Bade. Partout, les ordres
réguliers sont introduits : les capucins à Neustadt (1622), à Spire (1623) et les franciscains à
Kaiserslautern (1623) ; les jésuites à Neustadt (1623), Heilsbruck (1622), Frankenthal (1627)
et Germersheim (1628). Dans cette dernière ville, les chanoines augustins occupent à nouveau
leur chapitre. Les bénédictins et les cisterciens sont à Disibodenberg, Limburg, Eussertal,
Otterberg, Grossfrankenthal et Hördt84. En 1624, sur la rive gauche du Rhin, les choses sont
bien moins avancées que sur la rive droite. Dans le bailliage de Deux-Ponts, la Cène calviniste
est encore célébrée. C’est surtout à partir de 1625 que la recatholicisation s’intensifie85. En
1626, l’abbesse de Fraulautern, Johanna de Wiltz, tente d’installer un prêtre à Reisweiler à
l’occasion du décès du pasteur Fustenius. Le comte de Sarrebrück appelle cependant les
pasteurs de Kölln et de Heußweiler à s’opposer fermement à cette intrusion86. Les postes des
pasteurs ne sont pas renouvelés, les temples sont investis. A Kreuznach, les jésuites célèbrent
les fêtes catholiques et le calendrier grégorien est introduit (1626). Les enfants doivent
fréquenter les écoles catholiques, les bourgeois de Kreuznach, de Kaiserslautern sont tenus de
pratiquer la religion catholique. Après 1628, le durcissement s’affirme : le 28 janvier, un
mandat impérial ordonne à tous les habitants du bailliage de Kaiserslautern d’abandonner la
religion calviniste et de se convertir sous les auspices des Pères franciscains, à peine
d’amende ou d’exil87. La même année, profitant de la présence des troupes impériales, le
maître de l’Ordre teutonique tente de restaurer le culte catholique dans la commanderie de
Sarrebrück. L’année suivante se pose la question des abbayes et couvents sécularisés qui
sont à présent entre les mains des armées catholiques. Le 6 mars 1629, l’Edit de Restitution
nie les sécularisations effectuées par les protestants après 1552, de même qu’il rejette
l’existence des autres confessions en dehors du luthéranisme. Dans le duché de Deux-Ponts,
les restitutions touchent les maisons de Werschweiler, d’Offenbach et de Hornbach. Ce
dernier prieuré est sous la coupe d’un administrateur protestant depuis 1548 mais l’évêque de
Spire, Philippe Christophe von Sötern, reçoit un mandat impérial en 1628 lui permettant de
s’en emparer. Des bénédictins sont alors installés mais on ne sait pas très bien ce qu’il advient
d’eux89. Les protestations de Jean II restent vaines car le 17 septembre 1631, le
Reichskammergericht donne un avis favorable à l’évêque de Spire. Le droit de patronage lié
au prieuré de Hornbach passe entre les mains de catholiques et comme à Bliesranbach, les
pasteurs calvinistes sont chassés90. Dans le comté de Nassau-Sarrebrück, les restitutions
touchent les établissements de Saint-Arnuald, Neumünster et Herbitzheim91.
Comme dans le comté de Sarrewerden, la progression suédoise vient remettre en cause une
partie de ces initiatives. A partir de décembre 1631, les Suédois occupent le Palatinat. Certes,
à la suite de la bataille de Nördlingen, ils se retirent pour céder la place aux troupes impériales
et espagnoles, mais les règles religieuses ont encore changé. Les Suédois ne restituent pas à
Frédéric V l’Electorat du Palatinat pour cause de différents confessionnels, Gustav Adolf
attachant de l’importance à favoriser la liberté religieuse pour ses troupes et surtout pour la
population luthérienne92. Par contre, ils favorisent le retour du comte-palatin Louis-Philippe
en 1632 et parviennent à imposer la liberté religieuse pour les luthériens dans la Vordere
Grafschaft Sponheim.
Avec le retour des troupes catholiques, la recatholicisation reprend avec des conséquences
plus importantes qu’avant 1631, surtout dans le Haut-Palatinat soumis aux Bavarois. En
novembre 1635, un décret impérial ordonne à tous les pasteurs calvinistes et luthériens de
quitter le Palatinat94. En 1640, les catholiques comptent dans le Palatinat pour environ un tiers
de la population95. Dans la Vordere Grafschaft Sponheim, les calvinistes sont tolérés et les
luthériens placés dans une situation encore fragile96. A Kreuznach, le jésuite Nikolaus Arandt
n’hésite pas à utiliser la force pour limiter la liberté d’action du pasteur luthérien Nigrinus : le
11 avril 1644, accompagné de plusieurs soldats, il rosse à coups de bâton le pasteur célébrant
un enterrement.
Le rôle joué par les Espagnols dans la restauration du catholicisme nous pousse à s'interroger
sur la place de la France dans cette reconquête catholique sur la rive gauche du Rhin. La
concurrence entre la couronne très-catholique et le roi très-chrétien a-t-elle eu une
quelconque influence sur l'attitude des troupes françaises à l'égard des protestants? A l’heure
actuelle, la recherche sur l’attitude de la France après 1635 et le début des opérations
militaires dans le Saint-Empire98 ne laisse pas apparaître une politique systématique de
recatholicisation. Le cas de l’Alsace est à cet égard assez exemplaire. A partir de 1634,
l’Alsace tombe progressivement sous la protection de la monarchie française99. Georges Livet
souligne bien le fait que cette « protection répond à des conditions accidentelles ; de là son
caractère temporaire » . La France reconnaît alors par l’intermédiaire de divers traités la
spécificité des terres qu’elle « protège » et les restituera en l’état où elles étaient en 1618. Il
n’y a pas de changements religieux programmés par le cardinal Richelieu. Les instructions
royales de 1634 rappellent « qu’il faut éviter que les Protestants n’aient fondement de se
plaindre que S.M. préfère les Catholiques à eux, même en ce qui regarde les intérêts
temporels » ; dans le cadre de sa politique d’intervention, Louis XIII n’a aucun intérêt à
susciter le mécontentement des princes protestants du Saint-Empire, d’autant que plusieurs
princes catholiques sont aux côtés de l’empereur et de l’Espagne. Le maréchal de La Force,
protestant, réintroduit les ecclésiastiques catholiques dans la ville de Haguenau102. Le roi de
France affiche et met en pratique une tolérance de circonstance, plus que nécessaire avec
l’entrée en conflit ouvert avec les Habsbourg. S’il y a bien eu ça et là des commandants qui
ont restauré le culte catholique, ces entreprises éphémères ne sont en rien orchestrées par le
pouvoir royal. Rien de comparable aux entreprises espagnoles dans le Palatinat du Rhin à
partir de 1622 ou à l’intervention bavaroise dans les possessions de la rive droite du Rhin,
alors que les troupes françaises sillonnent la région et occupent à partir de 1644 la rive gauche
du Rhin jusqu’à Coblence
Il n’est pas possible de préciser davantage la position française à l’égard des questions
religieuse sans une étude plus approfondie des sources et qui sortirait du cadre immédiat de
notre propos. Toutefois, il est légitime de penser que la France n’a en rien voulu froisser son
allié suédois ni les princes d’Empire protestants : la monarchie conserve des vues sur le Saint
Empire et sur la dignité impériale au moins jusqu’en 1658. La reconquête catholique dans
cette région au cours de la première moitié du XVIIe siècle reste le fait du duc de Lorraine, de
la famille des Habsbourg et de princes d’Empire catholiques.
1.2. La progression luthérienne.
Le 6 et le 7 décembre 1631, Gustave Adolf franchit le Rhin à Mayence ; il se dirige vers le
sud alors qu’une partie de ses troupes prennent la direction du sud-ouest. Les Suédois
chassent les Espagnols et prennent leurs quartiers d’hiver dans le Bas-Palatinat : Oppenheim
est occupée, ainsi que les villes et villages de la Bergstrasse. En janvier 1632, Frankenthal
tombe aux mains des Suédois de même que de nombreuses villes de la rive gauche ;
Heildelberg cède à son tour en mars 1632. Le comte de Nassau-Sarrebrück et le duc de DeuxPonts ne peuvent plus rester inactifs et s’engagent aux côtés du roi de Suède. La ville de
Deux-Ponts reçoit amicalement les Suédois alors que les habitants du bailliage de
Lichtenberg, des bailliages de Sarrebrück et d’Ottweiler, s’associent aux soldats de Gustave
Adolf pour piller à Noël 1631 l’abbaye de Tholey ; le prieur ne doit sa liberté qu’à une rançon
payée de Luxembourg. Face à la progression suédoise, les moines de Wadgassen prennent la
fuite. Si des institutions catholiques sont ici mises à mal, on peut difficilement voir là une
quelconque politique anti-catholique ; il ne s’agit guère que « d’émotions » favorisées par le
contexte et il n’y a pas d’interdiction formelle du culte catholique là où il existe déjà.
L’occupation suédoise favorise la reconnaissance de la liberté du culte pour les luthériens de
Heidelberg, Kreuznach et d’Oppenheim, en dépit des protestations de l’Electeur palatin
Frédéric V qui meurt le 29 novembre 1632104. Le comte-palatin Ludwig Philipp, tuteur du
jeune Karl Ludwig, reconnaît la liberté religieuse aux luthériens ainsi que le droit d’ouvrir des
écoles par la signature du traité de Heilbronn, le 14 avril 1633. Les années 1633-1634 voient
ainsi la reconnaissance officielle du culte luthérien dans le Palatinat105. Là encore, les Suédois
n’ont en rien tenté d’imposer la religion luthérienne par la force à d’autres confessions. Leur
force militaire leur a offert la possibilité d’imposer la liberté de culte dans des lieux où les
communautés luthériennes ne sont pas des minorités marginales. Le traité de Heilbronn
stipule entre autres que là où ils constituent la majorité de la population, les calvinistes
doivent leur céder le temple et les revenus afférents106. A Oppenheim, le culte luthérien est
déjà exercé de 1622 à 1626, pendant l’occupation espagnole : le pasteur Tobias Plaustrarius, à
la demande de nobles d’Oppenheim et du Conseil urbain, officie dans la Katharinenkirche,
sans l’aval du gouvernement espagnol de Kreuznach. Cela ne dure guère : en 1625, le culte
luthérien est interdit, en 1626 les Espagnols interdisent aux pasteurs d’exercer et en 1627 ils
donnent le choix à la population de se convertir au catholicisme ou de quitter la ville. En
1632, les Suédois installent à nouveau un pasteur dans la Sebastiankirche et une école est
ouverte. Le culte est simultané avec les calvinistes dans la Katharinenkirche. En 1637, le
retour des Espagnols entraîne la dissolution de la paroisse luthérienne et le renvoi du
pasteur.
A Kreuznach, les Suédois sont à l’origine de la paroisse luthérienne. En tant
qu’administrateur des territoires occupés par les Suédois, Oxenstierna nomme en juillet 1632
un pasteur et effectue en 1633 un partage des lieux de culte entre les trois confessions : les
calvinistes conservent la Wörthkirche, les catholiques restent à l’église franciscaine SanktWolfgang et les luthériens obtiennent la Nikolauskirche où des enfants luthériens ont déjà été
baptisés à l’automne 1632. Toutefois, malgré le soutien suédois, le pasteur luthérien, assisté
depuis janvier 1633 par un diacre, rencontre des difficultés pour exercer son ministère en
raison des réticences du Palatinat, en particulier pour la jouissance des dîmes. Le 1er mars
1635, l’écuyer palatin interdit de séjour le diacre qui meurt peu après de la peste dans la
campagne alentour. D’ailleurs, en juillet 1635, les troupes impériales occupent Kreuznach et
entreprennent la restauration de la religion catholique. Les carmes s’emparent de la
Nikolauskirche et si, au début, ils tolèrent encore le pasteur luthérien, un moine le chasse
définitivement en octobre 1636. Les luthériens se voient fermer les portes de l’église mais
sont toutefois soutenus spirituellement par le pasteur de Bretzenheim jusqu’au décès de celuici en 1637. Malgré la résistance de l’écuyer palatin, une initiative du Rhingrave permet au
pasteur de Wendelsheim, Justus Wilhelm Nigrinus, de prendre en main la paroisse luthérienne
en 1638. La grange aux dîmes des Rhingraves du Simmerner Hof leur sert de lieu de culte.
Les catholiques limitent les libertés de culte des luthériens qui parviennent cependant à exister
en tant que communauté jusqu’à la fin de la guerre. Comme pour la progression du
catholicisme jusqu’au début des années 1630, le sort des armes scelle pour un temps le destin
des minorités luthériennes. Les troupes impériales s’emparent en 1635 de Heidelberg, les
Espagnols d’Oppenheim, d’Alzey, de Kaiserslautern et de Frankenthal (automne 1635) ;
Kreuznach est définitivement en leur possession à partir de 1641. Débute alors la seconde
phase du renforcement catholique sur les deux rives du Rhin.
***
Quel bilan tirer de ces quelques événements ? L’année 1648 est souvent considérée comme
une « année zéro » parce que les traités, en particulier celui d’Osnabrück, ont établi des règles
religieuses qui sont restées la référence jusqu’à la dissolution du Saint Empire. Pourtant, le
précédent développement veut montrer qu’il y a eu un « avant 1648 ». Celui-ci a une portée
hatt mann den Lutherischen allien verstatt im teutschen hauss zu predigen, welchess aber auch ni
38
page précédente
p
Langenfeld
C'est de Langenfeld (Tyrol autrichien) qu'est venu Bernard Nagel vers 1690 à Tentlinge ou il épouse Catherine Weber
en 1692, ils sont les arrières grandparents de NAGEL Georges 1769-1858 le grandpère de Madeleine Nagel 1834-1887
la mère de Formery Rose ma grandmère paternelle
resitres parroissial de Langenfeld (Oberried - Längenfeld Ötztal Tyrol Austria, A, Tyrol, AUSTRIA) 15/8/1663
acte de naissance de Bernard Nagel 15/8/1663 décédé à Tenteling en 1696 à 33 ans



Le pasteur Jean Loquet, organisateur des églises réformées dans le comté de Saarwerden, fit de Burbach le centre des villages «welches» dès 1559. Un premier temple fut détruit pendant la domination et la persécution lorraine de 1629 à 1670. Pendant un court répit, les fidèles obtinrent cependant l'autorisation de faire appel à un pasteur piémontais, Le Preux, qui desservit aussi les autres villages welches. Mais ce répit fut de courte durée.

À peine reconstruit, le temple fut de nouveau détruit suite à la Révocation de l'Édit de Nantes en 1685. L'actuel temple date de 1690. Il fut reconstruit grâce au financement du roi de France qui considérait Burbach comme catholique. Mais la reconversion au catholicisme n'a probablement été que superficielle. Les prêtres ne célébraient d'ailleurs la messe régulièrement qu'au Kirchberg. Ils ne se rendaient à Burbach que sur demande. Les protestants convertis étaient-ils effectivement des renégats ? Ouestion qui reste toujours posée aux chrétiens qui, dans des situations difficiles, prennent des attitudes opportunistes. Après la paix de Ryswick, l'église devint un simultaneum luthéro-réformé, les réformés étant desservis par le pasteur de Diedendorf et les luthériens par celui de Bischtroff-sur-Sarre.

En 1722, les paysans mécontents de la mauvaise gestion du comté, se révoltèrent contre leur souverain et refusèrent de payer les impôts. Jean Marquis, maire de Burbach, était un de leurs meneurs. On ne sait cependant pas dans quelle mesure son action était motivée par des principes évangéliques.
Les habitants de Burbach gardent vivante la mémoire de leur passé souvent douloureux. Pour blason, ils ont choisi l'arbre arraché qui symbolise l'expatriation des huguenots.
Une serpe sculptée dans le linteau de porte et datée de 1716 rappelle que la vigne fut introduite en Alsace Bossue par des huguenots de Moselle et de Bourgogne. Au n° 51 de la rue Principale «Ésaïe Gohere - Jeanne Rousselet - 1670» identifie la maison huguenote. L'ancien presbytère, dernière maison sur la route de Bischtroff, a conservé son caractère officiel, mais il est loué à des particuliers. De vieilles pierres tombales sont conservées au cimetière, dont l'une rappelle les égarements humains :
« Einst ging ich aus Die Feindeskugel traf mich draus Beim Eltemhaus. Voter und Mutter, ouf Wiedersehn.»
(«Je sortis de chez moi C'est là, près de la maison paternelle Que la balle de l'ennemi me toucha. Au revoir, père et mère.»)
|

calviniste
«Génératrices d’harmonie, les vibrations des cloches modèlent et transfigurent l’âme de nos villages» dit le poète.
Marie épouse de feu Sieur Kimmel de Deux-ponts, passe un arrangements avec Frédéric Paul et Eve Elisabeth héritiers sur la somme rest(ante de 30 risdallers suite à l'achat de la maison. 1/3 de la somme payée par les susdits soit 13 risdallers 7 schillings 6 pfennings. Jean pierre silbereisen ne veut pas payer sa part 6 risdallers
Acte notarié
10 mars 1694 - Bouquenom - Sarre-Union (Bas-Rhin)
Partage des biens de feu Nicolas Klein réparti de cette façon :
Lot 1 Jean pierre Silbereisen : une maison près de l'Obertor 675 Florins, une place de masure à l'untertor 220 florins 100 florent en argent
Lot 2 Frédéric Klein : une maison près de l'untertor 800 florins, un jardin et une étable 125 florins, 75 florins en argent
Lot 3 Paul Klein : une maison 1100 florins dont 100 florins à remettre au lot 1 ou 2
Lot 4 Eve Elisabeth Klein : une maison 1100 florins dont 100 florins à remettre au lot 1 ou 2.
Sont cités :
• KLEIN Eva Elisabetha (Héritière)
• KLEIN Paul (Héritier)
• KLEIN Philippe Frédéric (Héritier)
• SILBEREISEN (Héritie
J'ai été très étonné de découvrir que deux d'entre eux ont été inhumé dans l,église St Georges de Sarre-Union : Philippe Jacobs et Jean Henri wintzheimer
Philippe Jacobs "cy devant Maitre de Poste aux chevaux" est décédé le neuf aout 1758 : contact: marcel.jacob@wanadoo.fr
Jean Henri wintzheimer Lieutenant de Bailly à Bouquenom.est décédé " fort chrétiennement" le 11 octobre 1689 "agè environ de" 53 ans
"et a été enterré dans l'Eglise par nous soussigné" J P Hock Curé de Bouquenom
Le plus étonnant dans cette affaire est que Philippe Jacobs était le petit-fils de Jacob Jacobs ,tisserant à Burbach ,
peut-ètre juif converti ... et son pére Paulus Jacob a été baptisé à l'église protestante (registre protestant) page droite milieu
et Jean Henri Wintzheimer qui avait été Pasteur Luthérien de Saar Bockenheim de 1667 à 1685 ....
Bouquenom catholique était francaise (Duché de Lorraine) et l'autre coté de la Sarre était sous juridiction des Nassau --- Luthériens
JACOBS Hans Philipp G 2.5.1689??? Bo D 9.8.1758 Bo maître de la poste aux chevaux, aubergiste, boulanger, conseiller de l’Hôtel de Ville de Bouquenom fi Paul & KLEIN Eva Elisabetha Paul Jacobs fils de Jacob Jacobs et Maria --- de Burbach
III.3 H 8.10.1709 Bo TURBERT Anne (è 4626.III.1b.4) G 29.2.1692 Bo D 6.3.1774 Bo fa François & WINZHEIMER Maria Margaretha
Anne Marie G 25.1.1711 Bo D 9.8.1755 Bo H 30.1.1742 Bo SCHNEIDT Christophe (è4211)) G Sapati Patriavia/Italie fi Christophe & MINOT Catherine
François G 8.3.1713 Bo è IV.5
Marguerite G 26.5.1717 Bo D 9.2.1801 SU
H1- 7.1.1739 Bo ROGER Maurice (è 3885) G Blandy fi Antoine & LANDIER Anne
H2- 16.9.1760 Bo HENCKES Jost Laurent (è 1836) G 1706 (c) Montabaur [Pfalz/All.] fi Balthasar & SCHMITT
H3- 19.3.1764 Bo de BESTERZEY Paul (è 0360) G Neusol [Hongrie] G 1717 (c) Neusol [Hongrie] D 28.4.1776 Bo fi Georges & SARTORIS Justine
Henri G 24.3.1719 Bo ascendant direct
. Anne Catherine G 20.4.1721 Bo D 12.2.1797 SU H 18.6.1743 Bo KURTZKNAB Pierre (è 2572.II.1) G 29.7.1717 Bitche D 29.8.1797 SU fi Hermann & ATH Catherine
Marie Madeleine G 27.10.1723 Bo D 28.1.1807 SU H 24.1.1745 Bo MEYER Antoine (è 3172.I) G Egelfing [Bavière] fi Mathias & GIMBHART Madeleine
Marie Elisabeth G 25.1.1726 Bo D 14.6.1726 Bo
Suzanne G 26.4.1727 Bo H 21.1.1749 Bo KRAEMER Jean Pierre (è 2506) fi Henri & KNEPFLER Christine
Philippe G 18.1.1730 Bo è IV.6
Marguerite G 14.4.1735 Bo D 27.1.1804 SU H 17.8.1751 Bo SCHAECKER Sylvestre (è 4026.II.3) G 1721 (c) Haunshofen/Bavière fi Mathias & LIESS Catherine
TURBERT François G 1.10.1658 Bo D 19.1.1734 Bo chirurgien, greffier, notaire royal, substitut des procureurs généraux, maire de Bouquenom en 1695 fi Johannes & FRIEDRICH Elisabetha (Jean Turbert )
III.1a H1 – d’ALIBON Anna Catharina G 1663 D 8.9.1685 Bo
Anna Elisabetha G 8.1682 Bo D 16.10.1684 Bo
III.1b H2 – 30.4.1686 Bo WINZHEIMER Maria Margaretha (è 4968.2) G juillet 1665 Imbsheim D 25.4.1752 Bo fa Johann Heinrich & N. Maria Salomé
4968 WINZHEIMER Johann Heinrich G 23.4.1636 Darmstadt/All. D 11.10.1689 Bo pasteur luthérien d’abord à Imbsheim, et de 1668 à 1685 à Bouquneom. Il s’est converti le 2.12.1685 au catholicisme.1685-1689 lieutenant du bailli, commissaire de police de Bouquenom
H N. Maria Salomé
. Marie Salomé D 5.2.1720 Bo
Maria Margaretha G juillet 1665 Imbsheim D 25.4.1752 Bo H 30.4.1686 Bo TURBERT François (è 4626.III.1) G 1.10.1658 Bo D 19.1.1734 Bo fi Johannes & FRIEDRICH Elisabetha
Dorothea Juliana H 18.10.1695 Bo ARNET Jean Claude (è 0075) (M+ N. Margaretha) G Morhange D 13.1.1743 Bo
La poste aux chevaux était située place de la République juste avant le passage à niveau. Le dernier portail à droite à côté de Forthoffer. Il fait partie actuellement du Café du commerce.

Ce tissu humain et
religieux est inséré dans un agglomérat de territoires de tailles, d’importance et de statuts très
divers : à côté des Landesherren parmi lesquels des archevêques, évêques, duc et comtes, il y
a de modestes seigneurs tels les chevaliers d’Empire (Reichsritterschaft). Malgré ces
différences, tous ont en commun le statut de l’immédiateté (Reichunmittelbarkeit) qui leur
confère une grande autonomie au sein de leurs territoires, dans le cadre des règles d’Empire.
Ces territoires ont tous été profondément marqués par deux temps forts et symboliques de
l’histoire allemande : les Réformes protestantes et la guerre de Trente Ans. Le protestantisme
d’abord. N’entrons pas dans les détails, ce serait hors de propos. Retenons que la majeure
partie des terres situées à l’Ouest du Rhin devient luthérienne ou calviniste et que le
catholicisme cède beaucoup de terrain et se retranche sur les marges de l’espace étudié, dans
les duchés de Lorraine, l’électorat de Trèves et d’une manière plus diffuse dans les évêchés de
Mayence, Worms et Spire (carte n°2). La frontière politique joue dès lors un rôle majeur pour
partie des terres situées à l’Ouest du Rhin devient luthérienne ou calviniste et que le
catholicisme cède beaucoup de terrain et se retranche sur les marges de l’espace étudié, dans
les duchés de Lorraine, l’électorat de Trèves et d’une manière plus diffuse dans les évêchés de
Mayence, Worms et Spire (carte n°2). La frontière politique joue dès lors un rôle majeur pour
le catholicisme : la proximité d’Etats attachés à la religion romaine constitue un élément
essentiel dans le maintien et surtout le renouveau de la religion catholique à partir de ces
marges. Un exemple permet d’illustrer cela : les comtés du Nassau. Divisés en deux blocs, le
premier est constitué des comtés de Sarrebrück et d’Ottweiler, le second du comté de
Sarrewerden. A la suite de la paix d’Augsbourg (1555), dans le Nassau comme ailleurs, les
sujets catholiques qui refusent de se convertir au luthéranisme doivent émigrer. Or, à y
regarder de plus près, on remarque que des enclaves catholiques subsistent. Les habitants qui
relèvent de l’abbaye de Wadgassen peuvent non seulement rester mais pratiquer le culte
romain ; de plus, l’enchevêtrement des souverainetés sur la frontière occidentale du comté de
Sarrebrück avec le duc de Lorraine donne naissance à autant de possibilités de maintenir le
catholicisme en terre luthérienne. Cet exemple est transposable en d’autres parties de la région
étudiée. Constat qui permet également de limiter les investigations à certaines zones
circonscrites. La guerre de Trente Ans (1618-1648) constitue un nouveau temps de rupture et
sert, en quelque sorte, d’accélérateur de l’histoire confessionnelle. Cette guerre allemande et
européenne, politique et aussi religieuse, met à mal la répartition confessionnelle. Le
processus de confessionnalisation, d’uniformisation religieuse territoriale, sort fortement
ébranlé de décennies où se sont succédées avancées et reculades du catholicisme mais surtout
où les Eglises territoriales, déstructurées, connaissent de forts reculs de leur emprise
paroissiale. Ainsi, après un siècle d’agitation liée aux questions religieuses, la rive gauche du
Rhin, à l’exemple de tant d’autres régions du Saint Empire, doit se reconstruire avec ses
spécificités. La guerre de Trente Ans joue ainsi un rôle essentiel de dynamisation des
questions confessionnelles. (Laurent Jalabert)
|

L
Calvinist, Réformé
Adepte, consécutivement à la Réforme religieuse du XVIe siècle, du système théologique fondé partiellement sur la pensée et les écrits de Jean Calvin (1509-1564), à partir de 1536, année de la première édition, en latin, de son Institution de la religion chrétienne. Chassé de Genève en 1538, il fut alors appelé à Strasbourg par Martin Bucer, le principal réformateur de la ville, pour « dresser » en paroisse la communauté des réfugiés francophones arrivant depuis 1524, avant de retourner définitivement à Genève en 1541. Elle passe pour la plus ancienne paroisse de type calviniste au monde.
Avant Calvin pourtant, Mulhouse avait déjà, à l’exemple de ses alliées Zurich et Bâle, entamé dès 1523 l’introduction progressive du courant évangélique zurichois, initié par Ulrich Zwingli († 1531), tout en maintenant une influence bucérienne. En 1566 seulement, le Magistrat de Mulhouse adopta, avec tous les cantons suisses réformés, la seconde Confession de foi helvétique (Confessio helvetica posterior), rédigée par Heinrich Bullinger (1504-1575), disciple et successeur de Zwingli. Malgré l’accord de ralliement conclu entre Bullinger et Calvin en 1549 à Zurich (Consensus Tigurinus), le protestantisme réformé alsacien fut désigné par la dénomination « helvétique » jusque sous le Premier Empire.
Au XVIe siècle, l’influence de Calvin reste prépondérante dans les paroisses de réfugiés de langue française : celle de Strasbourg, jusqu’à sa fermeture en 1563, et celle de Sainte-Marie-aux-Mines. Les autres communautés se réclamant de l’héritage de Calvin, Zwingli et Bullinger, se trouvent, pour la Haute-Alsace, à Mulhouse et Illzach, à Sainte- Marie-aux-Mines (paroisse de langue allemande) et, pour la Basse-Alsace, à Bischwiller (paroisses allemande et française, ouverte en 1621 pour les réfugiés), dans le bailliage de Cleebourg, en Alsace Bossue à Diedendorf et les autres villages dits welches, également terres de refuge depuis le milieu du XVIe siècle. Après la guerre de Trente Ans, l’afflux d’immigrés suisses des cantons réformés renforce ces communautés et provoque même la création de nouveaux lieux de culte dans les seigneuries protestantes, sur la base de la situation confessionnelle de droit ou de fait existant pendant l’année 1624 choisie comme référence par les traités de Westphalie (art. 27 du traité de Munster et art. 5, section 31, du traité d’Osnabruck) : Cosswiller (seigneurs Haidel d’Erlenbourg), Daubensand (seigneurs de Rathsamhausen) et, l’année même de la révocation de l’édit de Nantes par l’édit de Fontainebleau en 1685, Rosenwiller-lès-Dettwiller (comtes de Rosen). Avant la réunion de Strasbourg au royaume, les calvinistes de Strasbourg obtiennent en 1655 l’ouverture d’un temple au village de Wolfisheim appartenant aux comtes de Hanau-Lichtenberg. Par contre, les immigrés réformés ne sont pas autorisés à se fixer en territoire catholique, malgré la protection de leur seigneur (arrêts du Conseil souverain d’Alsace du 10.2.1751). Bien que l’édit de Fontainebleau ne soit pas applicable en Alsace, il est de fait appliqué en 1686 en Alsace Bossue, « réunie » au royaume, jusqu’au traité de Ryswick en 1697, période pendant laquelle les calvinistes de la contrée ont été convertis de force. Le roi étend en Alsace, à partir de 1680, les mesures coercitives prises dans le royaume dès 1662 en vue d’obtenir des conversions, violant ainsi les clauses du traité de Westphalie de 1648 (De Boug, I et II ; Strohl, p. 188-190). Contrairement à l’idée généralement répandue de nos jours, aucun réformé fuyant le royaume de France à la suite de la révocation n’a été autorisé à se fixer en Alsace. Seule Mulhouse a pu en accueillir une poignée, n’étant pas sujette du roi très chrétien. C’est l’origine de l’actuelle paroisse Saint-Jean de cette ville.
Les calvinistes de Strasbourg, craignant la fermeture de leur temple de Wolfisheim en raison de son inexistence en 1624, obtiennent de Louvois son maintien en 1685. Mais Louvois exige de « ceux de la RPR » (religion prétendue réformée, selon la terminologie royale) la suppression des cultes en français et interdit même aux pasteurs de savoir la langue du royaume, de peur que les quelques militaires opiniâtres de la garnison locale n’assistent aux prêches et résistent davantage aux pressions visant à leur abjuration. Par la suite, le gouvernement royal se montre plus tolérant que le clergé de la province. Ainsi, en 1762, Choiseul intervient auprès de l’évêché de Strasbourg pour empêcher les réformés isolés de passer sous l’autorité spirituelle et pressante du curé de leur village, mais les oblige à s’adresser non plus au pasteur luthérien, mais à ce curé pour les actes pastoraux, sans toutefois pouvoir être inquiétés dans leurs convictions (Strohl, p. 194).
La proclamation de l’édit de tolérance en 1787 rend sa légitimité au culte réformé et permet notamment aux calvinistes de Strasbourg de construire en ville un temple rue du Bouclier, en abandonnant celui de Wolfisheim, pourvu qu’il soit bâti en retrait de la rue, qu’il n’ait pas l’aspect extérieur d’une église mais celui d’une maison, et soit privé de clocher. A peine achevé, le Club des Jacobins le fait réquisitionner en 1792 pour ses séances.
De leur côté, les réformés d’Oberseebach et de Schleithal ont dû lutter sans relâche de 1697 (traité de Ryswick) à 1780 pour obtenir enfin du roi l’application du traité de Westphalie leur reconnaissant le libre exercice du culte dans un oratoire, mais qui ne ressemblât pas non plus à une église.
Sous la Révolution, le sort des réformés ne s’est pas distingué de celui des luthériens, bénéficiant désormais comme eux des droits civiques. Les Articles organiques accordés en 1802 par le Consulat aux
protestants de France suppriment la paroisse comme base administrative et la remplacent par une circonscription consistoriale de 6 000 membres. A la différence de l’Église de la Confession d’Augsbourg (luthérienne), les consistoires réformés ainsi constitués (Bergzabern, supprimé en 1814 et remplacé par Bischwiller, Strasbourg, Sainte-Marie-aux-Mines et Mulhouse) sont indépendants les uns des autres, sans lien organique entre eux (Strohl, p. 315).
Sources - Bibliographie
De BOUG, Recueil des Edits, Déclarations... du Conseil d’Etat et du Conseil Souverain d’Alsace... , Colmar, 1775, I, p. 95-96, 105, 125, 130 ; II, p. 21-23.
Encyclopédie du protestantisme, 1ère éd., Paris-Genève, 1995, p. 173.
STROHL (Henri), Le protestantisme en Alsace, Strasbourg, 1950, 2e éd., 2000.
|

Rencontres : un mariage réformé à Barr
Publié le 1 mai 2015 par Frédéric Specht
Je l’ai déjà dit : malgré une forte proximité géographique, mes branches paternelles et maternelles ne se sont que très rarement croisées avant le mariage de mes parents. C’est donc toujours une agréable surprise lorsque je tombe, au hasard de mes recherches, sur les traces d’une rencontre antérieure. Celle que je voudrais raconter est d’autant plus surprenante et inattendue qu’elle rapproche deux rameaux que je n’aurais jamais cherché à rapprocher. Histoire d’une rencontre.
L’histoire débute dans les années 1610 à Altwiller avec la naissance de Jacob Haber dont j’ai déjà parlé. Descendant des réfugiés huguenots de 1559, Jacob naît durant les dernières années de paix qui précèdent le tourbillon de la guerre de Trente Ans qui le forcera à passer une grande partie de sa vie loin de son village natal. Au plus fort de la guerre, il est réfugié dans le pays messin où naissent Susanne en 1638, Abraham en 1640 et Daniel en 1643. Le conflit terminé, retourne-t-il à Altwiller ou, la région étant occupée par les troupes du duc de Lorraine, choisit-il à l’instar de beaucoup d’autres habitants, un nouvel exil ? Cette dernière option est la plus probable car Susanne épouse Hans Wenger, un immigré Suisse, à Kirrwiller en 1657. Toujours est-il qu’on le retrouve réfugié en 1664 à Ingwiller lors du décès de son fils Daniel. Le malheureux a péri asphyxié dans l’incendie de la léproserie 1 causé par la foudre ! Nous sommes dans un village luthérien et le pasteur précise qu’il a été « enterré sans la cérémonie habituelle car calviniste ». En 1666, toujours à Ingwiller, c’est à un événement bien plus heureux que participe Jacob : le mariage d’Abraham avec Elisabeth Marx, elle aussi descendante d’une vieille famille réformée de 1559 et originaire de Burbach. Cette union, bien qu’importante – un grand nombre de mes ancêtres maternels descendent des enfants de ce couple – ne nous intéresse pas ici. Non, ici nous nous intéressons à celle de Susanne et Hans Wenger sur laquelle je suis passé un peu vite auparavant.
Parmi les nombreux enfants du couple, Valentin naît en 1668 à Ingwiller où ses parents se sont établis définitivement. Abraham et Elisabeth retourneront eux à Altwiller. Qu’advient-il de Jacob ? Nous perdons sa trace peu de temps après le mariage de son fils mais j’aime penser qu’il a pu finir sa vie mouvementée dans son village natal. Revenons à Valentin. Ni lui ni ses parents ne sont mes ancêtres directs. J’aurais simplement pu l’ignorer, d’autant plus qu’après sa naissance il n’apparaît plus dans les registres d’Ingwiller. J’aurais pu mais au moment de le ranger parmi les « sans intérêts », son nom m’a interpellé, me rappelant vaguement quelque chose. J’ai donc cherché. Lorsqu’une personne disparaît des registres, c’est probablement car elle est allée vivre, ou tout du moins mourir, ailleurs. Souvent cet ailleurs se limite aux villages voisins mais dans le cas des communautés réformées alsaciennes au XVIIe siècle, il ne faut pas tant raisonner par proximité géographique que par lieux d’implantation de ces communautés. On aurait ainsi pu s’attendre à retrouver Valentin à Bischwiller, grand centre réformé, ou alors dans le comté de Sarrewerden, auprès des enfants d’Abraham et Elisabeth, ses cousins mais rien de tout cela : Valentin se marie le 14 février 1695 à Barr, ville luthérienne s’il en est mais surtout ville natale de ma grand-mère paternelle. Nous venons ainsi, au hasard d’un mariage, de sauter d’une branche à l’autre.
Valentin épouse Sara, fille d’Isaac Burgund qui est lui un ancêtre direct via Maria Magdalena, une autre de ses filles. Pourquoi est-il allé chercher son épouse à Barr ? La famille Burgund est, tout comme les Wenger, réformée. On ne sait que peu de choses sur elle : Isaac et sa femme Maria ne sont pas nés et Barr mais s’y marient en 1660. Isaac est dénommé « Bourgogne » dans l’acte de mariage, signe qu’il appartient à l’une des communautés réformées francophones. Maria décède en 1675 et reçoit le même traitement que Daniel Haber : enterrée sans culte car calviniste. Le fils Johannes épouse Susanne Simon, une fille de Lixheim, en 1691 à Barr, preuve que la famille entretient des liens avec les différents centres réformés. Isaac décède en 1693 sans que l’on sache où, l’acte de décès étant absent des registres de Barr. Le Dr Hecker, dans son livre Die Herrschaft Barr, nous donne une idée de l’homme qu’il était : au début des années 1670 la ville de Strasbourg, de plus en plus inquiète de l’intérêt que lui porte Louis XIV, se tient informée des mouvements français grâce à des contacts – on pourrait dire espions – derrière les lignes. Isaac est l’un d’eux : le 25 décembre 1672 il est ainsi envoyé à Nancy afin de déterminer si les concentrations de cavalerie dans la ville ainsi qu’à Toul et Verdun sont les prémisses d’une grande poussée vers l’Alsace. Pourquoi lui ? Probablement parce qu’il parle français mais peut-être aussi à cause de son caractère : « ein geriebener Wilderer », rusé voire sournois si nécessaire 2.
Je ne suis pas très au fait du déroulement d’un mariage à cette époque mais on peut tout de même supposer que la cérémonie religieuse a été suivie d’un repas réunissant les membres des deux familles. Valentin avait perdu ses parents très tôt mais devait certainement être entouré de ses frères et sœurs. On ne sait pas si son oncle Abraham était encore vivant mais sa tante Elisabeth l’était et l’on peut donc raisonnablement penser qu’elle ainsi que ses enfants avaient été invités. Ont-ils fait le déplacement ? Le chemin d’Altwiller à Barr est long, une centaine de kilomètres, difficile, il faut franchir les Vosges probablement enneigées en ce mois de février, autant de bonnes raisons de décliner poliment l’invitation. Malgré tout, cela n’engage à rien d’imaginer Elisabeth et sa fille Anna Maria accompagnée de son époux Hans Peter Rieger assis à la même table que Maria Magdalena et son mari Michael Brodt, mes ancêtres. Qui sait, peut-être Hans Peter a-t-il fait danser la mariée, peut-être a-t-il même discuté avec Heinrich Degermann pour peu qu’il ait été de la fête et cela me plait de me dire que ces personnes ont pu se rencontrer, trois siècles avant que leurs deux familles ne se retrouvent réunies, à nouveau autour d’un mariage mais à Altwiller cette fois.
1. « Mittwoch d. 13 julÿ 1664 wardt von einem Donnerstrahl in dem Guthleüthauß allhir ersticket und getödet ein Knab von 23 jahren Daniel genandt Jacob Haber des hirsigen Ackerbauern Sohn und wardt folgenden freÿtag darauff zwar ohne gewohnliche ceremonie, uf den Kirchoff weilen er Calvinischer Religion, begraben. ». Les lépreux étaient appelés « Gute Leute », bonnes gens, et étaient placés à l’isolement dans une « Gutleuthaus » située hors les murs.
2. « Am 25. Dezember erhielt dann ein Barrer, ein geriebener Wilderer namens Isaak Burgund, von den Dreizehnern den Auftrag, nach Nancy zu gehen und dort auszukundschaften, ob es wahr sei, daß die daselbst und in Toul und Verdun zusammengezogene Kavallerie einen Vorstoß nach dem Elsasse vorhabe ».
|

Drulingen Animations
La Fête de la Saint Jean d’Été, le samedi 24 juin.
Depuis plusieurs mois déjà, Jacques HINSCHBERGER
s’activait pour concocter un beau scénario pour la 7ème
édition. Le thème retenu était : Drulingen en 1562. Il a
permis de faire honneur au jubilé des 500 ans de la Réforme
et l’arrivée des réfugiés huguenots en Alsace Bossue.
Drulingen 1562
Que se passe-t-il en 1562 en France et dans le Saint
Empire Romain Germanique ?
Le premier mars 1562, le Duc de GUISE donne l’ordre de
massacrer dans une grange, un lieu de culte, des Huguenots
à Wassy. Ceci sera à l’origine des guerres de religion qui vont
durer jusqu’en 1598 avec l’Edit de Nantes permettant la liberté
des cultes. Le massacre de la St Barthelemy a lieu en 1572.
Depuis plus d’un siècle, GUTENBERG a publié la première
Bible à 42 lignes à Mayence (En 1454 à 420 exemplaires –
1282 pages). Le premier livre sera imprimé à la Sorbonne à
Paris en 1470.
La multiplication des imprimeries, des imprimeurs dans
toute l’Europe va favoriser la diffusion du savoir et favoriser
l’Humanisme. Un vaste courant de contestation religieuse
avec la volonté de réformer l’Église s’installe en Europe et
conduit à l’établissement du protestantisme.
Le premier acte publié de la Réforme sera l’affichage sur
la porte du château de Wittenberg des thèses de Martin
LUTHER qui dénonce la vente des Indulgences.
LUTHER traduit la Bible en allemand et organise le culte
protestant. Il critique la hiérarchie de l’Église et sera
excommunié en 1521.
En 1529 il dote le peuple d’outils pédagogiques avec le
petit catéchisme à l’usage du peuple et le grand catéchisme
destiné aux pasteurs avec la suppression du célibat des
prêtres, des vœux monastiques et l’instauration de la messe
en allemand au lieu du latin.
CALVIN, avocat théologien français va devenir pasteur en
1537 sans jamais avoir été ordonné, publie la Bible en Français.
Que se passe-t-il en 1562 dans le Comté de Sarrewerden ?
La Réforme est introduite tardivement en 1557 dans le
comté qui dépend du Saint Empire Romain Germanique.
Un élément marquant sera le repeuplement d’un certain
nombre de villages abandonnés du Comté de Sarrewerden
par des Réformés ou Huguenots français. Ceux-ci ont été
amenés à l’exode suite à la vague de persécution qui illustre
la politique de la Contre-Réforme pratiquée par le roi de
France HENRI II qui cherche à extirper l’hérésie calviniste qui
se manifeste dans son royaume.
Alors que de nombreux villages du Comté de Sarrewerden
sont abandonnés, le comte de Sarrewerden fait venir
des Réfugiés huguenots qui venant des régions de Metz,
Champagne et Bourgogne parlent le français. Ces migrants
n’étaient nullement des mendiants. L’émigration n’était pas
prohibée, ils ont pu emporter leurs biens et une grande
partie de leur richesse. Ils se sont mis en route au printemps
1559 avec leur chariot, des attelages, le cheptel, farine
et semences. Avec l’aide financière du Régent du Comte
de Sarrewerden, ils ont pu reconstruire rapidement les
villages où ils se sont installés. Les cultivateurs s’installent
dans les villages et les commerçants artisans s’installent à
Bouquenom.
Durant l’été 1559 sept villages welches étaient en
construction : Altwiller, Burbach, Diedendorf, Eywiller,
Rauwiller, Kirrberg et Goerlingen. Un huitième : Hinsingen
sera créé plus tard. Le terme de Huguenot désignait les
adeptes de l’Église réformée qui avait adopté la doctrine de
CALVIN en France en opposition aux Luthériens de l’Empire
romain germanique. Le culte réformé était en français, le
culte luthérien en allemand.
Burbach voulait être le village welche le plus distingué et
exerçait une sorte de domination sur les autres villages.
|












regitre des jésuites bq
4 février 1757 : Bail - Wolmünster Moselle 57720
Acte notarié fait chez maître Jacobs notaire à Wolmunster en date du 4 Février 1757 a Wolmünster .
Pardevant notaire furent présens Frédéric Huntz sellier et Pierre Kuntz tailleur d'habit tous deux demeurant à Wolmünster lesquels ont déclaré volontairement avoir laissé à bon et juste titre de bail pour trois années à commencer au fête de Noël mil sept cent cinquante six à Jean Wagner laboureur de Wolmünster Les champs se partage en deux dix huit arpents pour Fréderic et vingt trois pour Pierre de terres arrables.........
Temoin : JEAN WAGNER (1693-1779), Type: 3 AGE ~ 64 ans
Sources: [Acte notarié] >> Archives Départementales de la Moselle (AD 57 3E 8432)
1629 : Naissance - Stenay, 55700, Meuse, Lorraine, FRANCE
Sources: geneanet/le Bihan - Le Bihan - - Numerisation
22 février 1650 : Mariage (avec Elisabeth FRIEDRICH) - Bouquenon - Sarre-Union, 67434, Bas-Rhin, Alsace, FRANCE
Sources: acte de mariage - archives départementales du Bas-Rhin - 3E 434/2/1 Bouquenom BMS 1631-1694 vue 82 - Microfilm
22 février 1650 : Contrat de mariage (avec Elisabeth FRIEDRICH) - Sarre-Union-Bouquenom, 67434, Bas-Rhin, Alsace, FRANCE
22 avril 1689 : Contrat de mariage (avec Madeleine ROY OU ROYER (KOENING)) - Sarre-Union-Bouquenom, 67434, Bas-Rhin, Alsace, FRANCE
Sources: geneanet/le Bihan - Le Bihan - - Numerisation
1er mai 1689 : Mariage (avec Madeleine ROY OU ROYER (KOENING)) - Bouquenon - Sarre-Union, 67434, Bas-Rhin, Alsace, FRANCE
Sources: acte de mariage - archives départementales du Bas-Rhin - 3E 434/2/1 Bouquenom BMS 1634-1694 vue 104 - Microfilm
23 octobre 1699 : Décès - Bouquenom - Sarre-Union
6/
Guerre et religion : les affrontements religieux en Europe au XVIe et XVIIe siècle vu sur :
BILAN DES DESTRUCTIONS
L'apogée du peuplement se situe, dans les duchés de Lorraine et de Bar aussi bien que dans les Irois Evêchés, vers 1580 ; mais le coup d'arrêt à l'expansion entre 1580 et 1600 est moins fortement ressenti que dans le royaume de France. La thèse de doctorat, soutenue par Marie-José LAPERCHE-FOURNEL sur "Le peuplement du duché de Lorraine de 1580 à l720" et fondée sur une exploitation systématique des comptes fiscaux et des visites des paroisses, permet de mesurer le niveau démographique vers 1600 et l'ampleur de la catastrophe qui s'ensuivit. A la première date, la densité d'occupation en milieu rural est de 17 à 18 habitants par kilomètre carré, avec des différences microrégionales marquées (ex: au centre 28 à 30 habitants, à l'est, 11 à 12, à l'extrême nord-est, 6 à 7% seulement) ; les villages comptent en moyenne 150 à 200 habitants ; les 3/4 des villages du duché de Lorraine ont moins de 210/225 habitants ; le taux d'urbanisation est faible : avec les villes, le duché compte 22 habitants au km2. Le pays est donc relativement peu peuplé et peu urbanisé en comparaison avec la plupart des provinces françaises.
Nancy a 16 000 habitants en 1628 : Metz, 19 000 sans la garnison.
La guerre de trente ans et surtout les épidémies de peste bubonique et de typhus, qui l'accompagnent, provoquent la plus grande catastrophe économique et démographique de l'histoire de la Lorraine. Les sources manquent pour l'examen du creux de la vague vers 1650-1655; elles permettent par contre de voir la situation en 1668, c'est-à-dire après le début du redécollage. La densité en milieu rural est passée de 17/18 à 7 habitants au km2 ; La taille moyenne des villages tombe de 150-200 à 60 habitants. D'une manière globale, la perte démographique est de 60% (pour environ 50% en Alsace, 30 à 40% en Champagne, orientale surtout). Mais la chute est inégale : relativement movenne vers le sud (office d' Arches : 42% ) considérable au nord et au nord-est (office de Bitche 80%; office de Sierck : 87%). Sans nul doute, le bailliage d'Allemagne est le plus gravement touché.
La population de Nancy est tombée de 16 000 à environ 5 000 en 1656. Metz moins fortement atteinte a 15 000 habitants en 1637, mais décline encore dans les années suivantes dans une proportion mal connue.
LES DEBUTS DU REPEUPLEMENT A LA FIN DU XVII° SIECLE
Malgré de grandes difficultés, la restauration économique et démographique est tentée à partir de 1660 environ. Elle est le fait aussi bien du duc Charles IV, revenu à la tête de ses états de 1661 à 1670, que du roi de France, soucieux de remettre en état un pays dont il compte devenir définitivement le maître.
Parmi les mesures, destinées à relancer les activités de sa capitale, Charles IV apporte un large soutien aux manufactures : draps à la façon d'Angleterre création en 1664), soieries etc. Les artisans, qui s'installeraient dans la ville, bénéficieraient de la dispense du droit de bourgeoisie (c'est à dire d'entrée dans la ville), des impôts pendant six ans, du logement des militaires, et même du chef-d'oeuvre habituellement requis (1665-1668). Celui qui restaurerait une maison ruinée ou en construirait une nouvelle serait dispensé des charges fiscales sa vie durant. Par ailleurs deux nouveaux marchés sont ouverts dans la Ville-Vieille. Ces mesures portent effet, mais Nancy ne retrouve pas sa population antérieure (elle ne dépasse que de peu 10 000 habitants).
L'économie rurale a été totalement désorganisée : terres retournées en friches ou en forêts; confusions des parcelles, des soles et des bans; endettement des particuliers et des communautés d'habitants; désertion de certains villages; seigneuries tombées en déshérence, etc. Charles IV exige une déclaration des biens vacants avec procès-verbal des témoignages des plus anciens habitants (1664). Louis XIV légifère entre 1671 et 1698 par l'intermédiaire du Parlement de Metz et entame une politique de remembrement c'est-à-dire de remise à l'état ancien des droits et propriétés : c'est le cas à Eblange (1683),à Filstroff (1692), Boulay (1696), etc. On s'efforce donc de rétablir les structures traditionnelles.
Déjà il a été fait appel à l'immigration. Dés 1663 on note la présence de colons originaires de Picardie et du Vermandois, en particulier autour de Dieuze et Lorquin. L'intendant français Marc-Antoine Turgot évoque en 1697 l'exemption fiscale de douze années "ce qui attira de nombreux Picards du Laonnais, du Soissonnais et du Valois, lesquels étant laborieux se sont retirés en ces pays-ci où ils forment des commencements de villages et agrandissent leurs bans dans les bois par défrichements". Incontestablement le redressement démographique est sérieusement amorcé au cours du dernier tiers du XVII° siècle : pour 18 villages de l'office de Bitche, 114 conduits (ou feux) en 1677 et 215 en 1700. Mais il y a des différences locales importantes dues notamment à leur état originel et à une immigration plus ou moins diffuse. Partout on relève une augmentation de
La nuptialité et de la natalité.
Metz -où en 1679 il faut loger 13 000 fantassins et cavaliers- a 21 939 habitants dont 4341 calvinistes et 795 juifs. Une forte immigration venue des autres évêchés, de France et de l'étranger contribue à élever la nuptialité : en moyenne 160 mariages par an en 1650-1659; 252 en 1670-1679. La révocation de
l'édit de Nantes perturbe gravement la situation démographique : 3 000 réformés quittent Metz et les villages avoisinants, dont 60% gagnent Berlin. Dès 1686, Metz a moins de 20 000 habitants.
LES EFFORTS DE REPEUPLEMENT AU DEBUT DU XVIII° SIECLE
Avant même le retour effectif de Léopold, des mesures sont prises pour re-lancer l'économie : le 2 avril 1698, assouplissement du carcan corporatif "dans un temps où le bien du service de Sadite Altesse veut au contraire
que l'on aplanisse toutes les difficultés et que l'on se serve de toutes les voyes raisonnables pour repeupler ses états" ; et facilités accordées aux jeunes mariés et aux étrangers voulant s'établir dans les duchés. De plus, exemptions fiscales pour les laboureurs et manouvriers étrangers qui rétabliraient ou construiraient des
maisons. C'est, en somme, continuer la politique de Charles IV et Louis XIV.
Quelques mois plus tard un effort particulier est fait pour le baillage d'Allemagne "où il se trouve grand nombre de lieux abandonnés et la plus grande partie des héritages en friche et sans cultures" (ordonnance du 10 octobre 1698..)
Les diverses dispositions de cette mesure sont étendues, le 14 septembre 1709 l'ensembles des duchés. Par ailleurs, de nouveaux "remembrements" sont effectués et quelques villages créés ( Felsberg et Neu-Forweiler près de Sarrelouis) ou recréés (Mouacourt à une dixaine de kilomètres de Lunéville).
On connait mal les circuits d'information et le bilan exact de l'immigration.
Les sources fiscales sont naturellement discrètes puisque les nouveaux arrivants sont exemptés pour un temps. Reste surtout les actes de mariage, mais y échappent célibataires et gens antérieurement mariés. On ne sait donc pas bien avec précision s'il y a eu ici ou 1à immigration pratiquée en solitaire ou en famille.
Néanmoins il est possible de cerner le profil de l'immigrant moyen. I1 est catholique, ce qui est conforme à la tradition de la Lorraine, terre classique du catholicisme intransigeant. Viennent plus d'hommes que de femmes, dans la mesure ou l'on pressent que l'immigrant est en général célibataire. I1 vient de régions traditionnellement exportatrices d'hommes : c'est-à-dire les pays de montagne : Savoie, Suisse, Dauphiné, Tyrol. I1 faut y ajouter les pays au nord de Paris (Picardie surtout), phénomène répondant à une situation économique difficile dont il conviendrait de connaitre la nature et l'importance. L'immigrant moyen est de condition modeste, mais il n'est pas forcément pauvre : ce peut être l'exploitant non-propriétaire du Bassin parisien. Prioritairement, c'est un rural ou un artisan : de Savoie et du Dauphiné viennent des "défricheurs" ou "arracheurs de hayes", des vignerons ; de Suisse, des bergers, des marcaires, des hardiers de vaches ; du Tyrol, des maçons, des charpentiers, des couvreurs en somme des hommes de la terre et des ouvriers du bâtiment.
Reste le problème linguistique. Naturellement vont vers la Lorraine francophone les Français du Bassin parisien, du Dauphiné de la Savoie ou de la Suisse romande ; alors que les Suisses alémaniques ou les Tyroliens rejoignent la Lorraine germanaphone. Cependant la répartition est moins nette qu'on pourrait attendre. Quoiqu'il en soit l'immuable frontière des langues, qui traverse le pays, n'a guère été affectée par le phénomène de l'immigration : peut-être une très lègère modification -d'ailleurs controversée- dans la région de Dieuze.
Dans ce domaine l'apport fourni par les recherches généalogiques peut être d'un intérêt tout à fait primordial.
|


Michael Langlois | Université de Strasbourg
La Guerre de Trente Ans en Alsace
De 1618 à 1648 une série de conflits armés aux causes multiples, vont déchirer l’Europe. Cette période verra d’innombrables exactions qui marqueront durablement les populations et laissera certaines régions de l’Europe totalement dévastées. Et les traités qui la suivront vont instaurer un nouvel équilibre des forces en présence et préfigurer l’Europe d’aujourd’hui.
Pour parler de ces événements et de leurs impacts sur l’Alsace, le Professeur Georges Bischoff, directeur de l’Institut d’Histoire du Moyen-Âge à l’Université de Strasbourg.
Écouter « La Guerre de Trente Ans en Alsace » \
Télécharger « La Guerre de Trente Ans en Alsace » au format MP3.
Lectures recommandées :
Les aventures de Simplicissimus, première traduction intégrale et notes de Jean Amsler, préface de Pascal Quignard, Fayard, 1990, ISBN 2-213-02432-4
L’histoire de toute ma vie – Autobiographie d’un potier d’étain calviniste du XVIIe siècle, traduit de l’allemand par Monique Debus Kehr, préface de Jacques Revel, Honoré Champion, 2010, ISBN 2-745-32029-7
La Guerre des Paysans, Georges Bischoff, La Nuée bleue, 2010, ISBN 2-716-50755-4
Transcription
Présentation
Conférence du Pr. Bischoff
Introduction
Contexte
Le casus belli
État de l’Empire
La guerre
La période palatine (1618-1625)
L’intervention danoise (1625-1629)
L’intervention suédoise (1630-1635)
L’intervention française (1635-1648)
L’impact de la guerre sur les populations
Les traités de paix de Westphalie (1648)
Conclusion
Questions du public
Remerciements
Présentation
Il faut savoir qu’au fil du XVIIe siècle, l’Alsace était émiettée et sans identité, composée de nombreuses seigneuries et villes libres alliées au Saint Empire Romain Germanique. Arrivera la Guerre de Trente Ans, conflit religieux et politique entre défenseurs de la foi catholique et réformateurs protestants, avec son lot de pillages, massacres et autres exactions qui élimineront une grande partie de la population et en fera fuir beaucoup d’autres. Ces violences seront commises aussi bien par des troupes étrangères venant des quatre coins de l’Europe que par les milices locales. À l’issu de ce conflit, l’Alsace dévastée sera en grande partie unie et soumise à la couronne de France qui laissera à la région une grande autonomie pour des raisons stratégiques et politique.
Conférence du Pr. Bischoff
Introduction
Je suis très heureux d’être parmi vous ce soir, pour vous proposer un sujet qui, somme toute, est plutôt difficile. Il s’agit, en effet, de vous présenter des événements qui ont duré une génération ; à la fois fondateurs et actuels. Il y a eu un avant et un après la Guerre de Trente Ans.
Actuel, pourquoi ? Parce que cette histoire d’un conflit qui s’est passé il y a 350 ans et plus, nous renvoie à de l’actualité. Des guerres de Trente Ans, il y en a aussi dans le monde actuel. Certaines durent depuis près de dix ans. Je pense à ce qui se passe en Afghanistan, vingt ans, en Irak, trente ou quarante ans, à ce qui s’est passé ou à ce qui peut toujours se passer en Israël, au Liban ou ailleurs. Autrement dit étudier des événements guerriers, des événements politiques, des événements humains très lointains reste quelque chose d’important pour nous, car cela nous permet de prendre la mesure, d’en retirer éventuellement des leçons, de voir comment on peut éviter des problèmes ou apporter des solutions aux situations de conflit.
La Guerre de Trente Ans est, au moins pour ceux qui détiennent une certaine mémoire familiale, un événement bien identifié, un événement repère. De part le nom donné à cette guerre mais aussi parce qu’elle fait appel à tout un imaginaire. Guerre de Trente Ans, en alsacien, se traduit par « Schwedenkrieg » : la guerre des Suédois. Voilà déjà quelque chose d’assez étrange : une guerre qui dure trente ans dont les protagonistes viennent de très loin.
Dans la petite ville où j’ai passé mon enfance, mon père avait une vigne dans un vignoble du Haut-Rhin et, sur un mur de grès de soutènement de la vigne voisine, il y avait une petite sculpture qui représentait une miche de pain (une baguette ou une bannette) et un petit pain. Qu’est-ce que cela peut signifier ? D’après la tradition orale rapportée par mon père, ça voulait dire que la vigne voisine de la nôtre était une vigne qui, pendant la Guerre de Trente Ans, la guerre des suédois, avait été échangée contre une miche de pain et contre un petit pain. Je ne sais pas si c’est vrai mais quand on ouvre des chroniques de cette époque on trouve de nombreux exemples qui vont dans ce sens. On trouve aussi en lisant les chroniques, des informations du genre : « ce village a été abandonné, il ne restait plus que huit ou dix habitants ». Je crois que c’est à Bouxwiller qu’il ne restait que huit familles pour une ville qui en comptait sans doute quelques centaines avant le conflit. Conflit dont je rappelle les dates : 1618-1648.
Un conflit très compliqué ressemblant à une guerre civile. Une guerre européenne qui se déroule essentiellement en Allemagne, dans les pays germaniques et à leurs marges, mais qui va impliquer tous les pays d’Europe y compris les plus exotiques. C’est la raison pour laquelle on a retenu, en particulier, le rôle très important des suédois. Une guerre qui va aussi aboutir à une recomposition de l’Europe. En effet, à l’issu de cette Guerre de Trente Ans, en 1648, des traités sont signés en Westphalie : à Münster et à Osnabrück. Selon les termes du traité de Münster, une partie importante de l’Alsace devient française. Cela va avoir un rôle tout à fait important pour le destin de notre région.
Voici donc, en quelques mots, le sens général de ce que je vais dire des événements terribles avec des conséquences durables, mais aussi, je crois qu’il est important de se situer dans le temps et dans l’espace.
Contexte
Cette guerre commence à l’époque où règne en France Louis XIII et où va bientôt arriver au pouvoir en 1643, Louis XIV, qui n’est encore qu’un gamin et qui ne deviendra réellement Roi à titre personnel qu’à partir de 1661. Il aura en quelque sorte dans son berceau, un beau cadeau, une nouvelle province : l’Alsace.
Portrait du monarque.Tableau du jeune monarque en costume de sacre.
Louis XIII en 1622 par Daniel Dumonstier et Louis XIV en 1648 par Henri Testelin
Base Joconde.
C’est une série d’événements qui a, par exemple, pour contemporains les peintres Rubens, Rembrandt, Vélasquez en Espagne ou encore les dramaturges Corneille, Molière, Shakespeare tout au début et bien d’autres encore.
Cette guerre a ceci de remarquable qu’elle partage des caractéristiques avec les guerres modernes. Rappelez-vous en 1991, lors de la guerre qui a été l’un des grands déclencheurs de la situation dans laquelle nous sommes toujours actuellement : la guerre d’Irak. Elle nous a paru être une guerre propre, une guerre qui ressemblait à un jeu vidéo. Pourquoi ? Parce qu’elle nous était communiquée par les médias en tant réel sur nos petits écrans, un peu comme si nous étions devant notre ordinateur en train de faire un jeu vidéo.
Une de journal.
Frontispice de « Relation »
Universitätsbibliothek Heidelberg.
Je vous dirai que la Guerre de Trente Ans est une guerre presque en vidéo, en image, en son et lumière. C’est la première guerre qui ait été couverte pratiquement en tant réel par la presse, ce qui est une nouveauté tout à fait essentielle. Je vous présente, sur cette image, le tout premier journal hebdomadaire paru au monde. Il apparut à partir de 1605 à Strasbourg sous le nom de Relation, la relation de tous les événements, créé par un strasbourgeois : Johann Carolus. Mais le grand propagateur de nouvelles de cette guerre est le journal fondé en 1630 sous le patronage du Cardinal de Richelieu : la « Gazette de France » de Théophraste Renaudot qui couvre pratiquement l’essentiel des événements, du début jusqu’à la fin. Une guerre médiatique est quelque chose de très important à l’heure actuelle. C’est en grande partie la presse qui façonne l’opinion et qui par conséquent, par militantisme crée des conditions de mobilisation des hommes et des femmes.
Je parlerai de quelques-uns des acteurs de cette guerre, je rappellerai cependant que c’est une guerre qui débute dans l’Empire. L’Empire est une vaste confédération qui regroupe l’Allemagne, l’Autriche, mais aussi un certain nombre de régions voisines et impliquant également d’autres régions proches, l’Italie, la Hongrie, le Danemark, etc.
Sur cette carte, vous avez en effet la région qui va être en grande partie le théâtre de cette guerre : pratiquement toute l’Europe telle qu’on la connaît (en gros la zone Euro). L’Angleterre n’y est pas en effet, mais l’Angleterre au même moment a eu une guerre civile qui va entraîner un grand changement avec l’arrivée au pouvoir de Oliver Cromwell et la fondation d’une république anglaise (qui n’a pas durée très longtemps mais qui a existé).
Carte d'europe de l'éclatement des possessions des Habsbourg.
Carte des possessions des Habsbourg en 1547.
Par Sir Adolphus William Ward, G.W. Prothero et Sir Stanley Mordaunt Leathes.
Ce Saint-Empire romain germanique qui va de l’Italie du nord à la Prusse, des Pays-Bas à l’Autriche et au Danube, est aux mains d’une famille régnante : la famille des Habsbourg. Les Habsbourg, dont la capitale est Vienne, en ont quelques autres telles que Prague mais aussi Madrid. Depuis le XVIe siècle, cette famille domine le monde, y compris le nouveau monde, et s’est divisée en deux branches : la branche allemande, établie à Vienne, et la branche espagnole, établie à Madrid, détenant de gros morceaux d’Italie, la Franche-Comté, la Flandre, la Belgique actuelle. Comme vous le voyez, le royaume de France, tel qu’il existe au XVIIe siècle, est entouré par l’Empire et par l’Espagne. Il est en quelque sorte « assiégé » par ces Habsbourg qui sont ses ennemis.
L’Empereur appartient à cette famille, à cette dynastie. Sa position n’est pas héréditaire, il est élu. Mais en réalité, l’hérédité existe et deux Empereurs vont régner pendant la période qui nous concerne. Ils s’appellent Ferdinand II et Ferdinand III.
Le monarque debout.Portrait du monarque.
Ferdinand II en 1635 par Georg Pachmann et Ferdinand III en 1637-1638 par Frans Luycx.
Les Habsbourg sont Ducs d’Autriche, Rois de Hongrie, Rois de Bohême et possèdent des terres très importantes, notamment en Alsace. Ils sont catholiques et une partie de leurs sujets sont protestants. C’est particulièrement le cas de la noblesse du royaume de Bohême dont la capitale est Prague.
Le casus belli
Les Habsbourg sont les fondateurs d’une monarchie puissante et centralisée, contrariant les intérêts de seigneurs locaux, d’habitants de villes et d’une partie de la population. Aussi en 1618, lors d’un problème de succession à la tête du royaume de Bohême, les habitants de Prague se révoltent contre les envoyés de Ferdinand II et les jettent par la fenêtre du château de Prague. C’est ce qu’on appelle la défenestration de Prague qui a lieu le 23 mai 1618. Cet événement va être le point de départ d’hostilités entre les habitants du royaume de Bohême et la famille de Ferdinand II. Guerres à répétition, extrêmement complexes, dont l’enjeu est à la fois la tolérance religieuse par une guerre de religion, mais aussi la forme qu’exerce le pouvoir : pouvoir monarchique fort ou au contraire pouvoir partagé avec les puissances locales.
Gravure montrant 3 ambassadeurs malmenés et portés aux fenêtres.
La défenestration de Prague en 1618.
Par Matthäus Merian l’Ancien.
État de l’Empire
Cet Empire du début du XVIIe siècle, contrairement à la France, n’est pas un État unifié. En effet cette grande masse qu’est l’Allemagne et le nord de l’Italie se divise en réalité, un peu comme un puzzle, en 350 petits états. Certains sont plus gros que d’autres : la Saxe, le Palatinat, la Bavière sont de très gros morceaux, la Lorraine aussi. D’autres au contraire sont microscopiques. En Alsace, par exemple, vous avez des principautés de poche : l’Abbesse d’Andlau est officiellement Princesse, le Comte de Salm sera Comte immédiat, c’est-à-dire qu’il aura les même prérogatives qu’un souverain, le Sire de Ribeaupierre à Ribeauvillé est pratiquement le maître chez lui, l’Abbé de Murbach possède une principauté de 270 km²… Je pourrais en citer des quantités invraisemblables.
Carte, ressemblant à un puzzle, montrant le morcellement des territoires.
Carte du Saint-Empire Romain Germanique en 1648.
Par Astrokey44 & Tinodela.
Donc cet Empire est éclaté en des quantités d’appartenances qui en 1555 ont adopté le système de la Paix d’Augsbourg au terme duquel le Prince, le maître d’un territoire, impose sa religion à ses sujets. Par exemple : la vallée de la Bruche appartient à l’Évêque de Strasbourg qui est le Prince d’une principauté assez importante en basse Alsace. Tous les habitants de cette principauté seront donc obligatoirement catholiques. En revanche, la ville de Strasbourg, qui s’est débarrassée de son évêque depuis le XIIIe siècle, a adopté la Réforme et est devenue une ville très puissante :
Ville entourée de douves et de fortifications en dents de scie.
Plan de Strasbourg en 1644 selon Matthäus Merian.
Par Jonathan M.
Elle est organisée en république aristocratique et contrôle le plus important pont du Rhin de pratiquement toute l’Allemagne. Nous sommes en effet historiquement en Allemagne, c’est-à-dire dans les régions de langue germanique, car il n’y a pas d’état Allemand. La ville de Strasbourg a adopté la religion luthérienne, en revanche ses voisins sont catholiques. Cela provoque parfois des tensions et en particulier, entre 1584 et 1604, la guerre des évêques. Le diocèse de Strasbourg a deux évêques rivaux : un protestant, appuyé plus ou moins par les Strasbourgeois, et un catholique. L’évêque catholique est resté maître du territoire alors que l’évêque protestant était plutôt un prétexte pour affaiblir le catholique. Toujours est-il qu’on a un climat de tensions religieuses et politiques extrêmement graves. Cette « guerre des évêques » prit fin en 1604 à la suite d’une intervention d’arbitrage du roi de France, Henri IV, qui avait tout intérêt à essayer de réconcilier les catholiques et les protestants contre son ennemi de l’époque : l’Empereur, qui était pour l’instant hors champ.
Puis, en 1607, Strasbourg a un nouvel évêque, un Archiduc d’Autriche de la famille impériale : les Habsbourg. Il s’appelle Léopold V et vous le voyez ici en soutane en compagnie de sa femme.
veque debout en soutane noire à liseré rouge.Femme priant, épaule nu.
Léopold V en 1604 par Joseph Heintz l’Ancien. et Claude de Médicis en 1646-1648 par Lorenzo Lippi..
Armoiries en couleur entourée de frise bordées d'or.
Armoiries du duc à Molsheim.
Par Pethrus.
Halte là ! Ça ne veut pas dire que cet évêque était marié en tant qu’évêque ! Ça veut simplement dire qu’à un certain moment il n’avait plus de frère susceptible de procréer et de transmettre l’hérédité de sa famille. Le Pape l’avait donc réduit à l’état laïc. Il s’est marié en 1626 avec une Princesse italienne : Claude de Médicis. Il est donc catholique et appartient à la famille régnante, la maison d’Autriche, ce qui va, au moins dans notre région, changer la donne. Sa capitale est Saverne, mais il réside souvent à Dachstein, Innsbruck ou ailleurs. La ville sur laquelle il s’appuie le plus fortement est Molsheim dont l’église est décorée d’un médaillon représentant ses armoiries. Y sont intégrées les couleurs de l’Autriche et celles de l’Alsace, car il est à la fois landgrave de Basse-Alsace (c’est un titre honorifique) et aussi, de par sa famille, landgrave de Haute-Alsace. C’est-à-dire le maître d’un territoire très important.
Carte montrant le morcellement de l'Alsace et environs.
La mosaïque alsacienne.
Par Georges Livet.
À Molsheim même, s’est établi au moment de la Réforme, un foyer extrêmement important de contre-Réforme, c’est-à-dire de lutte contre les hérétiques protestants, avec l’installation dans cette petite ville : d’un couvant de Jésuites, d’un collège de Jésuites et, mieux encore, en 1617, d’une Université dominée par les Jésuites. Et que font ces Jésuites ? Ils vont essayer de reconquérir les âmes, de lutter contre le protestantisme, d’éviter la contagion de la Réforme dans les campagnes. Autrement dit : contribuer au climat de reconquête spirituelle qui pourrait éventuellement avoir des conséquences politiques. Ces conséquences politiques se voient sur la configuration qu’a l’Alsace : quelque chose de très morcelé. Dans ce morcellement on trouve le bloc le plus important : les territoires appartenant à la Maison d’Autriche, aussi appelés « Autriche antérieure ». Ils s’étendent de la Haute-Alsace jusqu’à Belfort, la région du Brisgau et de la Forêt-Noire. C’est en quelque sorte un pont sur le Rhin. Ce territoire, le plus important sur le Rhin supérieur, a une importance stratégique énorme. Sa capitale est la petite ville d’Ensisheim :
Gravure de la ville avec ses doubles fortifications.
Enszisheim par Matthäus Merian.
Herzogin Anna Amalia Bibliothek.
Mais aussi et surtout cette province autrichienne, bien organisée, a une grande influence politique en imposant son contrôle sur des seigneuries satellites. L’Abbé de Murbach, l’Abbé de Lure, le Sire de Ribeaupierre, le Val de Villé passe sous le contrôle de l’Autriche. Or, lorsque en 1607 Léopold V est élu évêque de Strasbourg, c’est un peu comme une O.P.A. d’une grosse multinationale sur une entreprise moins importante. Cela permet à l’Autriche de contrôler les terres de l’évêque de Strasbourg en Haute-Alsace autour de Rouffach, en Basse-Alsace autour de Molsheim, Saverne, dans le Kochersberg et sur la rive droite du Rhin du côté d’Oberkirch. Là aussi, c’est le point de départ d’une véritable annexion de l’Alsace par la maison d’Autriche.
Tout cela va inquiéter les Princes protestants comme le Sire de Hanau, la ville de Strasbourg, le Wurtemberg qui est proche et d’autres. Donc une sorte d’impérialisme autrichien dans la région qui a des conséquences encore plus graves : le retour du catholicisme. C’est aussi un jeu similaire à ceux des multinationales actuelles (elles s’échangent des morceaux d’entreprises avec un cynisme absolu). En 1617, comme on avait prévu que l’Archiduc d’Autriche, Léopold V, en tant qu’évêque n’aurait pas d’héritier (il n’était pas encore question qu’il se marie et qu’il procrée), la famille avait pris la décision importante suivante : « à la mort de Léopold V, nous ne garderons pas ses terres en les laissant à la branche allemande de la maison des Habsbourg, mais on va les donner à la branche espagnole ». Un traité secret fut conclu stipulant qu’à la mort de Léopold V, la Haute-Alsace serait donnée à l’Espagne.
L’Espagne qui possédait la Franche-Comté, le Luxembourg et la Belgique rend ce coup excellent pour les Habsbourg d’Espagne qui possèdent aussi la région de Milan. L’idée de faire une espèce de « banane bleue », une zone reliant les Pays-Bas aux autres possessions (c’est un peu le rêve de Robert Schuman) une sorte d’Europe sous la domination catholique et espagnole des Habsbourg. Ce projet existe, il n’a jamais été réalisé mais en tout cas il montre que des reclassements importants sont en cours.
Carte d'europe de l'éclatement des possessions des Habsbourg.
Carte des possessions des Habsbourg en 1547.
Par Sir Adolphus William Ward, G.W. Prothero et Sir Stanley Mordaunt Leathes.
Enfin, cette Alsace-là, qui fait partie du Saint Empire Romain Germanique, morcelée, est quand même confrontée à un certain nombre de problèmes. Le premier se situe à l’Ouest depuis le XVème siècle : le roi de France manifeste une volonté d’expansion vers l’Est, vers le Rhin. Le Roi de France est en embuscade. Or entre le Roi de France et la vallée du Rhin, il y a le duché de Lorraine. Catholique, il fait partie de l’Empire, mais il est à peu près indépendant et tout ça va s’ajouter au climat de tension, car ont lieu en France les guerres de religion. Or ce sont des guerres au cours desquelles les différents belligérants, catholiques ou protestants, ont continuellement fait appel à des mercenaires qui traversaient les Vosges pour aller se battre en France. Autrement dit ce massif vosgien est devenu une « passoire », menacé par des incursions de soldats et, en même temps, un enjeu : si le Duc de Lorraine est suffisamment puissant, il arrivera à bloquer l’entrée de mercenaires allemands en France. L’Alsace l’intéresse également puisqu’il y possède des terres pour lesquelles il a les mêmes idées que la maison d’Autriche en matière de rétablissement du catholicisme et d’organisation du pouvoir politique.
Alors ceci fait que notre région est aussi menacée par un voisinage proche : entre l’Alsace en partie protestante et la Lorraine catholique, entre la France, qui depuis Henri IV a adopté une paix de religion, et l’Empire, où les couteaux ne sont pas encore tirés mais presque. L’Alsace est prise en sandwich, dans une situation inquiétante. Au point qu’en Alsace même, les différentes puissances, qu’elles soient catholiques ou protestantes, essayent de s’organiser pour éviter le désordre. Cela va se manifester par une coopération des différents États alsaciens. Coopération, concertation, à la fois pour surveiller les routes et pour s’opposer aux passages de troupes. En particulier, les troupes qui viendraient de Lorraine dans la vallée du Rhin. Toujours est-il qu’on essaye de trouver des solutions qui permettent d’arbitrer d’éventuels conflits en Alsace à la veille de la Guerre de Trente Ans.
Principaux batiments de la ville entourés de fortifications et de douves, avec routes et cours d'eaux.
Plan de Sélestat au XVIIe siècle par Matthäus Merian.
Herzogin Anna Amalia Bibliothek.
Vous avez ici une image représentant Sélestat. Nous verrons un certain nombre d’images comparables à celle-ci. Il y a en effet autour de 1630-1640, un grand éditeur, fixé à Francfort, qui s’appelle Merian. Originaire de Bâle, il travaillait à Strasbourg. Il va profiter de l’appétit médiatique des gens pour fabriquer des images. En particulier, l’Alsace aura droit en 1643, en pleine guerre, à un magnifique ouvrage touristique appelé la « Topographia Alsatiae » avec ces très belles vues de l’Alsace tel que celle de Sélestat faite en 1643, au moment où la guerre atteint son paroxysme. Les Vosges y sont hérissées de châteaux, dont certains ont été rénovés, mais aussi percées ou traversées par des vallées représentant autant de voies d’invasions extrêmement importantes pour aller d’Ouest en Est, ou inversement.
C’est en grande partie dans ce contexte que, depuis la fin du XVIe siècle, l’Alsace s’est militarisée. Par crainte de guerres extérieures ou de désordres locaux, les habitants de différentes seigneuries ont pris l’habitude de s’entraîner à faire la guerre : on a organisé des plans de défense et on a prévu des camps en temps de guerre. Par exemple, à la fin du XVIe siècle on avait prévu d’installer un camp près de Molsheim pour empêcher une invasion venue de Lorraine ou au contraire servir de relais aux Lorrains, si les Lorrains venaient au secours de l’Autriche. On a aussi à ce moment-là, restauré un certain nombre de châteaux-forts dans la même perspective. Autrement dit, l’Alsace du début du XVIIe siècle est hérissée de canons, d’arquebuses et de fortifications refaites. L’évêque de Strasbourg a refait Benfeld, Dachstein ou encore Saverne en partie. On pourrait citer beaucoup d’exemples qui vont dans se sens.
Un climat d’avant-guerre, dont les gens ont conscience (les guerres ne se produisent jamais toutes seules), exacerbé par une autre situation. À côté de ces rivalités politiques et confessionnelles nous sommes dans une période de crise économique qui fait suite à un puissant essor économique au XVIe siècle. Une crise économique qu’il est difficile d’expliquer, dont une grande partie des causes tient à l’inflation provoquée par l’arrivée de l’argent du Roi d’Espagne. Le Roi d’Espagne a en effet énormément d’argent venant de ses mines d’Amérique du Sud, exploitées d’une façon épouvantable. Cet argent circule, provoquant toutes sortes de crises financières et rendant très difficile les rêves de paix que, par exemple, des juristes ou des universitaires essayent de formuler. C’est le cas du juriste hollandais Hugo Grotius qui essaye de fixer un droit de la guerre et de la paix. En réalité, la guerre qui va éclater en 1618 montrera que ce droit est foulé au pied et que les beaux intellectuels, qui se réfugient dans leurs bureaux à lire de beaux livres, ne vont pas apporter grand-chose au débat et sur le terrain. Les armes vont en effet bientôt parler.
La guerre
Cette guerre prend son départ en 1618, en Bohème, par une affaire interne. Cette affaire de révolte, c’est ce qui se passe à Tripoli en Lybie aujourd’hui. Une population, les Bohémiens, se révolte contre la domination des Habsbourg dont ils supposent, dont ils pensent, qu’ils sont susceptibles d’être des tirants. Cela va se solder par des batailles. Quand l’un remporte une victoire, il impose sa loi et quand il est battu, cherche des alliés ailleurs. C’est ce qui se passe : les habitants de la Bohème sont battus par l’armée impériale. Il y a des défections, je ne vais pas citer tous les généraux, il n’empêche que l’armée impériale sait très bien se battre. Les Protestants aussi mais enfin ils n’ont pas suffisamment de moyens et ils vont donc chercher des alliés.
La période palatine (1618-1625)
Gravure en médaillon du portrait du général.
Peter Ernst II von Mansfeld.
Le premier allié que vont chercher les Protestants est le Comte Palatin, c’est-à-dire le grand Prince dont la capitale est Heidelberg. Ils vont l’élire Roi de Bohème sous le nom de Frédéric V et, par conséquent, vont guerroyer sous sa bannière en 1618-1619. Le problème est que l’armée impériale est plus puissante et qu’elle va assez rapidement le chasser. Le conflit va donc se déplacer, entre autre dans la région qui est la nôtre, en 1621. En effet le principal chef de l’armée protestante s’est retiré au Palatinat. Ce chef s’appelle le Comte de Mansfeld et il va essayer d’attaquer les impériaux, en particulier en Basse-Alsace. Il s’empare de Wissembourg et s’installe à Haguenau. Commencée en 1621, la guerre ne va pas durer très longtemps, à peu près un an en Alsace, après quoi les impériaux vont chasser l’armée de Mansfeld.
Alors en quoi est-ce que l’Alsace a une importance particulièrement grande par rapport aux autres régions ? Précisément parce que l’Alsace se trouve sur le couloir Nord-Sud qu’est la vallée du Rhin mais aussi parce que l’Alsace dispose de trois ponts franchissant le Rhin d’Est en Ouest. Un de ces trois ponts est celui de Bâle qui ne peut pas être utilisé parce que les suisses sont en dehors du conflit. Le deuxième est le pont de Brisach. C’est un pont absolument épatant parce qu’il relie les deux parties des terres autrichiennes et quand on franchit la Forêt-Noire après Freiburg im Breisgau, on arrive en direction du Danube. Autrement dit c’est une porte ouverte sur l’Europe centrale. Le pont de Brisach permet d’arriver dans la plaine d’Alsace à hauteur de Colmar-Sélestat et, par conséquent, permet des jonctions avec des troupes venues, par exemple, de Lorraine. Enfin l’Alsace a un rôle d’autant plus important que la Franche-Comté espagnole se trouve au Sud, en connexion avec la Savoie et le Milanais qui sont du même parti, impérial, ce qui en fait une plaque tournante pour la suite des opérations.
Je ne vais pas détailler tous les épisodes de ces opérations militaires, je voulais simplement dire que grâce à la presse, à l’espionnage et aux correspondances dans tous les sens, on est très bien renseigné sur les événements ; on sait très bien ce qui se passe. Notamment grâce aux Nouvelles Ordinaires de la Gazette de France qui donne les nouvelles de Rome, de Venise, de Vienne et de Prague en nous apprenant ce qu’il se passe : « En ces préparatifs de guerre, chacun des parties se décharge de blâmes (c’est-à-dire accuse l’autre) pour le remettre sur son compagnon ». Les Espagnols accusent les Français parce que justement ils vont tous les deux intervenir dans cette guerre du côté respectivement des impériaux, donc des Habsbourg, et du côté Protestant pour les Français.
Il y a donc deux parties. Les impériaux ont souvent à leur tête de grands généraux qui ont une importante expérience militaire. Les deux généraux les plus connus : Tilly, un catholique fanatique belge (un brabançon) et Albrecht von Wallenstein, un protestant ayant trahi son camp pour rejoindre les impériaux. Ces deux généraux en chef vont se déplacer dans toute l’Allemagne qui sera en quelque sorte leur champ de bataille. Tilly est représenté devant des murs en flammes, car il est particulièrement connu pour avoir assiéger la ville de Magdebourg qui a été pratiquement rasée à la suite de ce conflit.
Général en armure et fraise, devant un mur de pierres faisant écran aux flammes.Général en armure se tenant devant des montagnes.
Johann t'Serclaes, comte de Tilly en 1630 et Albrecht Wenzel Eusebius von Wallenstein en 1636-1641.
Sans donner tous les détails de cette guerre, je voudrais dire en quoi elle consiste. Il s’agit d’une guerre de mouvements et de sièges. Deux parties sont en présence : les impériaux et l’Union protestante. Les armées sont pour l’essentiel des armées de mercenaires, c’est-à-dire des soldats de métier avec trois type de combattants : de l’infanterie composée de mercenaires, des cavaliers se battant avec des armes à feu (des dragons) et, enfin, de l’artillerie de siège contre laquelle on va multiplier les fortifications parfois provisoires, parfois définitives. Ici un camp, là une forteresse ou citadelle sont construits pendant le conflit pour servir en quelque sorte de têtes de ponts. C’est une guerre de batailles ouvertes, de chevauchées et de sièges. L’un des sièges les plus connus est celui opposant les Espagnols et les Hollandais (une guerre annexe à la Guerre de Trente Ans). C’est le siège de Bréda, représenté par Vélasquez, mais on pourrait en citer beaucoup d’autres.
Tableau représentant le vaincu remettant, sans humiliation, les clés de la villes au conquérant.
La reddition de Breda par Diego Velázquez.
Museo del Prado.
Un autre tableau, peint par Pieter Snayers, présente la bataille de Wimpfen remportée par Tilly sur l’armée protestante.
Charges de cavaleries aux sabres se heurtant aux dragons avec, en fond, artillerie et régiments à perte de vue.
La bataille de Wimpfen en 1622 par Pieter Snayers.
Rijksmuseum.
Les impériaux disposent de moyens quand ils sont unis. Espagne, Autriche, Lorraine, parfois la Savoie, ont en effet des moyens supérieurs aux protestants. Le résultat est que les protestants seront battus vers 1623-1624.
L’intervention danoise (1625-1629)
Le Roi du Danemark vient au secours des protestants en 1625, mais il est battu et doit se retirer en 1629.
L’intervention suédoise (1630-1635)
Portrait du roi paraît de broderies.
Gustave II Adolphe.
C’est en 1630 qu’un changement important a lieu : le Roi de Suède, Gustav Adolf Vasa, un luthérien très sincère, très religieux et détenteur de terres importantes à la limite de l’Allemagne dans la Baltique, décide d’intervenir en Allemagne. Gustave-Adolphe est un chef de guerre absolument remarquable et en l’espace de moins de 2 ans, va réussir à emporter la décision, à battre l’armée catholique, l’armée de Tilly et de Wallenstein. Il donne un espoir extraordinaire aux protestants et a avec lui des généraux qui sont d’excellents chefs de guerre. Le meilleur s’appelle Bernard de Saxe-Weimar.
Chaos suite à la charge des cavaleries et le roi, mort, tombant de son cheval.
Bataille de Lützen en 1632 par Carl Wahlbom.
Hélas, à la fin de l’année 1632, le 16 novembre en Saxe, à la bataille de Lützen remportée par les suédois : le Roi de Suède est mortellement blessé ; son second, Bernard de Saxe-Weimar, va continuer la guerre pour son compte. On va donc appeler « Suédois » non seulement des suédois d’origine mais aussi et surtout des allemands, des suisses, des saxons essentiellement, recrutés par Bernard de Saxe-Weimar. Ce dernier comprend une chose extrêmement importante : la clé de toute la guerre consiste à s’emparer de la vallée du Rhin, car c’est par là que l’Autriche peut recevoir ses renforts.
À la fin de l’année 1632, Bernard de Saxe-Weimar et un général suédois, Gustaf Horn, pénètrent en Alsace, obtiennent l’autorisation de passer par le pont de Kehl contrôlé par Strasbourg (ville protestante restée neutre). Les Suédois vont s’emparer de l’Alsace en l’espace de quelques semaines à peine à la fin 1632. Ils prendront notamment Benfeld, la meilleure place forte d’Alsace, dans laquelle ils vont s’organiser pour conquérir la région. Gustave-Adolphe mort, Bernard de Saxe-Weimar est en place. Le problème est qu’il est un peu contesté mais aussi et surtout que les armées catholiques vont essayer de refaire leurs forces. En 1634, l’équilibre des puissances est de nouveau rétabli. Le résultat est que Bernard de Saxe-Weimar va être obligé de faire le forcing. Ce qui l’intéresse en particulier est de bien se positionner sur le Rhin et d’avoir des alliées.
Cette histoire est très complexe, on ne sait jamais qui est dans quel camp. Ce qu’il est important de savoir c’est qu’à partir de 1634, le Roi de France décide d’entrer dans la mêlée. Le Roi de France, très chrétien, catholique ayant des protestants sur ses terres contre lesquels il se bat aussi, passe du côté des princes protestants. C’est paradoxal mais en vertu du principe : « Je suis l’ennemi des Habsbourg d’Espagne et d’Autriche donc, les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». À partir de 1634-1635, le Roi de France envoi des troupes à l’armée dite « suédoise » de Bernard de Saxe-Weimar et va l’aider à prendre possession de l’Alsace en s’organisant plus ou moins bien. Résultat, en 1638, le Roi de France et ses alliés suédois, ou ex-suédois, sont pratiquement, à quelques exceptions près, maîtres de l’Alsace. Il y a eu entre temps des combats extrêmement rudes qui tiennent à la façon de faire la guerre.
Section de piquiers et arquebusiers.
Piquiers et arquebusiers.
Par Peter Isotalo.
Ce qui fait la force des armées c’est l’infanterie, la piétaille, c’est-à-dire le nombre de soldats qui se battent avec des piques contre les cavaliers ou contre d’autres fantassins avec des arquebuses suivant une « liturgie » très complexe. Ces armées de milliers d’hommes armés coûtent extrêmement cher parce que se sont des mercenaires ; ce sont en quelques sortes des entreprises privées que l’on loue. Une armée en marche est assez compliquée, car elle est précédée par des arquebusiers, suivi par des mousquetaires puis par des piquiers avec, pour finir, les bagages. Une armée se déplace avec un matériel tout à fait énorme : du butin bien sûr et quantités de personnes vivant de l’armée, hommes, femmes et enfants. Tout cela est mentionné dans les nouvelles, par exemple, de l’invasion Suédoise en Souabe et en Saxe à la fin de l’année 1632 : « le Maréchal Gustaf Horn est retourné le 9 du présent d’Alsace en cette ville […] avec quelques-unes de ses troupes pour aider à prendre la ville d’Offenburg ». Car lorsque la guerre se rapproche, on va recruter des troupes dès qu’on en a besoin et puis, quand on en a plus besoin, on les licencie et elles passent dans l’armée ennemie. C’est assez compliqué et s’ajoute à cela que faire des sièges coûte extrêmement cher, parce qu’il faut utiliser des techniques et des moyens d’attaques très complexes, mobiliser des terrassiers, du génie, des ingénieurs, j’en passe et des meilleures.
Les suédois vont s’employer à assiéger les principales places fortes du pays. L’exemple le plus connu c’est celui du Haut-Kœnigsbourg qui est assiégé en 1633 et finalement pris après quelques semaines. Un siège particulièrement difficile avec des opérations commandos.
Des villes comme Ensisheim ou Belfort, pour citer deux exemples, sont prises et reprises, perdues et reperdues 6 ou 7 fois en l’espace d’un an. Cela donne un aperçu du rythme de cette guerre qui verra aussi l’utilisation d’explosifs. En effet, les sièges se font en utilisant des « pétards » ; il ne s’agit pas de canons, mais des sortes de mortiers plaqués contre les portes ou contre les murs d’une fortification. Cela se passe en général de nuit et ils servent à projeter de l’explosif pour casser le mur ou la porte : c’est une technique fréquemment utilisée. Les techniques de siège, très complexes, demandent souvent des travaux de retranchements, très longs, très importants, au point qu’une guerre est donc toujours souvent un siège qui s’éternise : une armée de relève vient en renfort aux assiégés ou aux assiégeants provoquant une bataille rangée. La bataille de Nördlingen, par exemple, est une victoire des impériaux contre les suédois et est à l’origine de l’intervention française.
Chaos suite à la charge des cavaleries devant les murs de Nördlingen.
Bataille de Nördlingen en 1634 par Jacques Courtois.
Westfälisches Landesmuseum.
Nördlingen se trouve en Souabe et voici les circonstances de la bataille : les armées se battant à travers toute l’Allemagne sont recrutées non seulement sur place, en Allemagne, mais aussi dans toute l’Europe. Par exemple, on trouve dans l’armée impériale en Alsace : des croates (guerriers relativement sauvages), des espagnols, des italiens… Parmi les généraux on trouve des italiens : Ambrogio Spinola Doria, Raimondo Montecuccoli, Matthias Gallas, un belge : Jean t’Serclaes, comte de Tilly, un hollandais : le comte de Bucquoy, etc. Il n’y a pas d’appartenance nationale stricte. On est très interchangeable et on fonctionne souvent par rapport au plus offrant. Il y a moyen de gagner sa vie d’une façon extrêmement ample en étant « entrepreneur de guerre ».
Bien entendu cela implique aussi un armement cher et de l’entraînement. Les espagnols sont considérés comme les meilleurs fantassins de l’époque grâce à leur technique de bataille en carré. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il y a de vrais chefs-d’œuvres de tactiques militaires causant des batailles très impressionnantes au cours desquelles des milliers d’hommes s’affrontent avec à la fois le choc de carré de fantassins, l’utilisation d’artillerie pour briser ces carrés, des charges de cavalerie extrêmement impressionnantes, etc.
Charges de cavaleries contre des carrés.
Bataille de la Montagne Blanche en 1620 par Pieter Snayers.
Bouclier blanc barré de deux bandes rouges, entouré par deux lions et surplombé d'un heaume couronné.
Armoiries de Strasbourg.
Par Rama, Musée Historique de Strasbourg.
Il y a aussi des bannières, car il n’y a pas de drapeaux nationaux à l’époque, et ces bannières portent souvent des slogans. La ville de Strasbourg est neutre, mais en 1632 elle engage des régiments de mercenaires pour se défendre. Certains de leurs drapeaux représentent les armoiries de la ville, d’autres arborent des slogans comme Le christ est mon espoir ou bien Gott mit uns qui apparaît à l’époque. Le drapeau de Strasbourg représente assez souvent une fleur de lys qui n’est pas la fleur de lys du Roi de France mais un des symboles de la ville.
Enfin, dans ces opérations de guerre extrêmement rudes, d’allées et venues de troupes, il y a bien entendu toutes les retombées sur la population civile qui, parfois, organise de véritables résistances : c’est particulièrement le cas dans les Vosges où il y a des « guérilleros » et, parfois, des capitaines improvisés. En 1633, les paysans du Sundgau, dans le sud de l’Alsace, se révoltent contre les suédois, s’emparent du château de Ferrette où se trouvait une garnison suédoise (en réalité composée de suisses) et balancent une partie des membres de la garnison par les fenêtres du château (une pratique assez courante à l’époque). Les suédois reviennent et, bien entendu, vont pendre ces pauvres paysans aux branches des arbres. Ce genre d’épisode se multiplie à l’envi au cours de la période.
Un arbre supportant des dizaines de pendus, entouré de soldats.
Les Pendus par Jacques Callot.
Musée Lorrain.
L’intervention française (1635-1648)
Profil du Cardinal en soutane rouge.
Richelieu par Philippe de Champaigne
Rama.
Enfin, l’intervention française devient effective à partir de 1634-1635. Le Roi de France envoie des troupes et surtout essaye d’être l’arbitre, de pacifier la région. Quelle est l’idée de Richelieu (le Roi de France de l’époque ; Louis XIII ne comptant pas beaucoup) ? Il se dit que l’Alsace est une voie de passage si importante qu’il faut la contrôler. Comment ? Essentiellement en plaçant en Alsace un allié, un satellite. Et donc, le projet politique de Richelieu est le suivant : s’emparer de Brisach, du Vieux-Brisach (Alt Breisach), parce que c’est le pont le plus important pour la maison d’Autriche. Je l’ai déjà dit : le pont de Strasbourg est contrôlé par Strasbourg, le pont de Bâle par Bâle, reste le pont de Brisach qui est vraiment le pont essentiel à l’échelle de l’Europe. D’où l’idée des français et de leurs alliés suédois : tout faire pour s’en emparer.
Le siège de Brisach fut une opération de longue haleine. Il a lieu en 1638 et a été comparé par son importance stratégique au siège de Stalingrad. La comparaison n’est peut-être pas trop forcée, car s’emparer de Brisach est la garantie pour celui qui en serait le maître de tout contrôler jusqu’à Vienne. C’est la raison pour laquelle cette ville est assiégée. Bernard de Saxe-Weimar remporte la victoire et s’installe à Brisach. Le Roi de France lui a fait la promesse suivante : « Mon brave, tu vas t’installer à Brisach. Je vais t’aider à pacifier la région, particulièrement l’Alsace, et le jour où je négocierais la paix, tu seras le Prince de l’Alsace ». Voilà, en gros, le projet politique : créer un nouvel État qui serait un État tampon, sans être aux mains du Roi de France mais dans celles d’un de ses alliés. Bernard de Saxe-Weimar fait partie de la famille des Ducs de Saxe, mais c’est un fils cadet. Donc il n’a rien et il est intéressé par ce projet politique.
Imaginez ce qui aurait pu se passer sans cet événement majeur de 1638 : l’Alsace serait devenue espagnole, on pourrait boire de la sangria ensemble, on irait peut-être tous à la corrida… à Schirmeck. Il n’empêche qu’en 1638, l’Alsace est sur le point de devenir la Principauté de Bernard de Saxe-Weimar. Hélas, ou heureusement, Bernard de Saxe-Weimar est pris apparemment d’une pneumonie, on ne sait pas exactement, peut-être empoisonné par des rivaux, et meurt inopinément en 1639. Que va faire le Roi de France ? Son meilleur allié, son joker, a passé l’arme à gauche ! Le Roi va alors compter sur le fait que les généraux de Bernard de Saxe-Weimar, ses collaborateurs, vont se disputer. C’est effectivement ce qui va se passer. Donc le Roi de France se dit « Tant pis, puisque mon joker ne peut pas jouer à ma place, je vais jouer moi même ». C’est la raison pour laquelle, en 1639, Richelieu met au point l’idée d’une annexion de l’Alsace.
Un bastion aménagé en îlot, protége l'accès aux ponts reliant les deux rives. Brisach et ses fortifactions apparraissent en fond.
« Sur cette gravure, vous pouvez voir à quoi ressemblait Brisach défendue sur le Rhin presque sous forme d’île. »
Herzogin Anna Amalia Bibliothek.
Je n’ai pas eu l’occasion de vous le dire mais le grand problème auquel est confronté Bernard de Saxe-Weimar, comme le Roi de France, sont la Lorraine et la Franche-Comté, deux régions ennemies voisines. Donc, toute l’idée va consister à faire en sorte que les Lorrains puissent être rejetés hors d’Alsace et éventuellement maîtrisés chez eux.
L’impact de la guerre sur les populations
Cette Guerre de Trente Ans présente deux très grandes phases : la première allant de 1621 à 1623 et seconde de 1632 à 1639. Puis il y aura encore les « arrêts de jeux », un peu plus tard, vers 1640-1644 mais ça concerne assez peu l’Alsace. La Guerre de Trente Ans a en réalité durée sur le terrain 6 ou 7 ans mais la guerre peut faire des dégâts autres que des dégâts militaires.
La guerre consiste d’abord de passages de troupes, mal payées ou pas payées du tout, qui vont par conséquent faire régner, dans les campagnes plus que dans les villes protégées par leurs remparts, un climat de terreur. D’où ces évènements continuels de maraudeurs qui investissent les villages, attaquent les paysans, volent leurs provisions, violent les femmes, massacrent les vieillards et les enfants, prennent les troupeaux, brûlent, etc.
Une chimère mâle de profil tenant un livre et composée d'un pied de cheval et l'autre d'oiseau, d'une aile d'aigle et d'une queue de poison.
Simplicius Simplicissimus en 1671.
Ces misères de la guerre on les connaît bien grâce aux descriptions très nombreuses dans des récits. En particulier un roman intitulé « Simplicius Simplicissimus » racontant les aventures d’un garçon pris dans la guerre. L’auteur s’appelle Christophe von Grimmelshausen et, bien que protestant, il a fait carrière dans un régiment au service des impériaux. À la fin de la guerre il se retire près d’Oberkirch, devient aubergiste et administrateur seigneurial. Il va publier des romans dans lesquels il évoque ce qu’il a vu lui-même durant la guerre. Ces événements, tout à fait épouvantables, dont il a été victime, complice et acteur, je vous conseille de les lire dans ce récit de Grimmelshausen qui a été édité en allemand dès 1659 (la première édition a parue à Montbéliard). Il y raconte l’histoire d’un vagabond étrange qui va connaître à la fois une ascension comme capitaine brigand et en même temps va connaître les pires déboires au cours de son existence aventureuse. Il existe une très bonne traduction française qui a parue il y a quelques années (Les aventures de Simplicissimus, première traduction intégrale et notes de Jean Amsler, préface de Pascal Quignard, Fayard, 1990, ISBN 2-213-02432-4).
De ces malheurs de la guerre il y a, bien sûr, les dessins ou les gravures de Jacques Callot, un lorrain mort en 1633. Des gravures représentant d’une manière générique les malheurs de la guerre. Ce ne sont pas des illustrations de la Guerre de Trente Ans proprement dite puisqu’il est mort avant la phase la plus rude mais elles représentent ce qu’est une guerre de l’époque avec son cortège de massacres absolument abominables. Ce sont sans doute les images les plus crues précédant celles de Goya au début du XIXème siècle.
Un échaffaud surplombe foule et armée afin que tous voient le condamné, attaché sur une roue horizontale, se faire briser les membres par le bourreau pendant qu'un prêtre lui donne l'extrême onction.
La Roue par Jacques Callot.
Musée Lorrain.
À ces témoignages, j’en ajouterai un qui est le récit de la vie d’un colmarien, potier d’étain et protestant, dénommé Augustin Güntzerii. Son récit a été traduit par une de mes anciennes étudiantes, Monique Debus Kehr, et c’est sans doute un des témoignages les plus forts qui ait été publié sur la Guerre de Trente Ans. Je vous le recommande parce qu’il nous montre ces catastrophes (L’histoire de toute ma vie – Autobiographie d’un potier d’étain calviniste du XVIIe siècle, traduit de l’allemand par Monique Debus Kehr, préface de Jacques Revel, Honoré Champion, 2010, ISBN 2-745-32029-7). Quelles sont ces catastrophes ? Bien entendu l’irruption de soldats, la violence, le rétablissement brutal d’une religion qu’on ne veut pas, des voies de fait continuelles, des maraudages, des destructions… Par exemple, un viticulteur nous dit que ses vignes ont été abandonnées pendant 8 ans où il n’a pas pu travailler et sa cave a été pillée. Il est totalement ruiné alors qu’il avait passé une partie de sa vie à construire une certaine aisance, etc.
Soldats volants un village et ses habitants.
La Maraude par Jacques Callot.
Musée Lorrain.
Les résultats les plus spectaculaires pour nous, sont démographiques. Ces chiffres sont établis à partir des registres de baptêmes, de sépultures ou de mariages et nous montrent que dans certaines localités la mortalité, ou la natalité, peuvent connaître des pics absolument extraordinaires. On a une natalité très forte et une mortalité bien plus faible, par exemple : 42 naissances pour 1000 habitants à Dambach-la-Ville en 1660. C’est un indice d’une population qui se porte bien. Il faut imaginer qu’actuellement la natalité est de moins de 10 pour 1000 dans nos pays d’Europe Occidentale. Quand vous prenez le graphique nous montrant l’évolution de la population de Dambach-la-Ville, on voit que la courbe des naissances au cours de la période qui commence en 1600 est irrégulière. En principe les naissances devraient être constantes pour une population constante, en tout cas avant l’époque actuelle. Au contraire, on voit sur la courbe des pics et des chutes. Les chutes signifient que la population : soit n’est pas là pour se reproduire, soit que les conditions biologiques sont mauvaises. En comparant ce graphique avec celui de la mortalité nous voyons qu’il y a des années, c’est le cas en 1632-1633 et 1635-1636, où vous avez beaucoup plus de morts que de nouveau-nés. C’est l’effet direct de la guerre.
Mais la guerre ne tue pas, du moins elle ne tue pas par les armes. Elle tue surtout par malnutrition, privations, par des conditions absolument insupportables, par le malheur économique… Je prends un exemple : après le passage de l’armée de Mansfeld en 1622, le prix du pain a été multiplié par dix. Ça c’est une catastrophe parce que les gens n’ont pas les moyens d’acheter ce pain. Alors que vont-ils faire ? Ils vont s’endetter, partir et on voit donc des villages qui se dépeuplent. Des gens qui partent ne veut pas dire qu’ils meurent. Ça signifie qu’ils se réfugient ailleurs, là où on ne se bat pas, comme en Suisse. Dans certaines régions des Vosges, on a pu remarquer que du côté de Bruyère, brusquement la population a augmenté autour de 1640, car des Alsaciens sont allés s’y réfugier, causant donc des perturbations absolument terribles.
Mendiants, hommes et femmes, dans divers états dénuements.
Six mendiants par Wenceslas Hollar.
Université de Toronto.
L’endettement a une autre cause extrêmement importante : le financement de la guerre, par l’impôt en grande partie. Imposer lourdement des gens qui sont déjà appauvris est un problème terrible. Même si la guerre n’a peut être pas déferlé en Alsace autrement que par des passages de troupes. Entre la victoire catholique de 1623 et l’arrivée des suédois neuf ans plus tard, les pauvres alsaciens, catholiques ou protestants indifféremment, ont été obligés de donner tellement d’argent à leur Prince sous forme d’impôt que l’appauvrissement a été terrible. Cela s’est aussi traduit par un affaiblissement, par un exode, etc. Le résultat au bout de trente ans : les forces vives de toute l’Allemagne mais aussi des régions voisines sont épuisées. Je ne l’ai pas dit mais, par exemple, en 1640 en France, en Anjou, en Normandie, en Bretagne où la guerre ne sévit pas, les gens se révoltent contre le Roi parce-qu’il leur impose des impôts absolument colossaux pour financer ses troupes qui guerroient en Alsace. Tout est lié. Une relation très forte s’instaure et l’épuisement est tel que la sagesse revient à la surface afin d’essayer de négocier une paix.
Les traités de paix de Westphalie (1648)
Les négociations de paix sont assez complexes. Elles sont faites par des diplomates et en Westphalie, car c’est justement la région intermédiaire entre, en gros, la Baltique, la mer du Nord et les régions plus au Sud : Saxe, Souabe, Thuringe, etc ; bref, un carrefour. Ces négociations sont faites entre les représentants de la ligue catholique des impériaux, notamment des Habsbourg, du duc de Lorraine, le Roi d’Espagne, qui continu à être en guerre avec le Roi de France à cette date et des plénipotentiaires protestants, français, suédois, etc. Ils décident de signer une paix qui devait être perpétuelle. L’idée fondant cette paix est de remettre les « pendules à zéro », autrement dit : rétablir la situation d’avant-guerre. Le terrain gagné par les catholiques sera rendu aux protestants et inversement. Les libertés arrachées aux uns et aux autres seront rétablies, etc. Un coup pour rien, match nul, retour à la case départ.
Groupe d'hommes atablés profitant d'un bon repas.
Célébration de la Paix de Munster par Bartholomeus van der Helst.
Rijksmuseum.
Ce retour à la case départ n’est pas complet parce qu’il y a dans la tourmente des vaincus disparus, des occupations de fait instaurées… Le Roi de France tire les marrons du feu en négociant le transfert sous sa domination des biens et des droits que possédaient la maison d’Autriche dans la vallée du Rhin. Le Roi de France obtient donc, en pleine souveraineté, la Haute-Alsace et le Sundgau mais aussi Brisach. En réalité, Brisach l’intéresse le plus, car cela lui permet d’avoir une tête de pont. Il obtient également un droit de contrôle sur les villes impériales d’Alsace qui restes impériales. Ce sont Mulhouse, Munster, Colmar, Turckheim, Kaysersberg, Sélestat, Obernai, Rosheim, Haguenau, Wissembourg et Landau ; ce qu’on appelle la Décapole. C’est à partir des terres autrichiennes et des droits que tenaient la maison d’Autriche qu’il va unifier l’Alsace à son profit pour en faire une Province. Une Alsace française qui n’existait pas avant mais qu’il va soumettre, organiser et défendre. Lui, le vainqueur, le pacificateur, va annexer l’Alsace qui appartient à une autre culture en respectant relativement bien ses usages (ce qui parait un paradoxe). Le mot d’ordre du Roi est de dire « Il ne faut pas toucher aux usages de l’Alsace » et il l’annexe finalement à l’État français jusqu’à la Révolution française où elle finira par être intégrée à la nation française. De cette Alsace que le Roi de France obtient en partie en 1648, il va progressivement, par une politique complexe mais très habile, annexer le reste jusqu’en 1681, où il ajoutera Strasbourg pour s’emparer de ce qui fait la puissance de cette ville : son pont.
Carte, ressemblant à un puzzle, montrant le morcellement des territoires.
Carte du Saint-Empire Romain Germanique en 1648.
Par Astrokey44 & Tinodela.
Conclusion
Le relèvement de cette région a été une entreprise de longue haleine mais tout dans cet épisode épouvantable n’a pas été globalement négatif. D’abord, la domination française a garanti à l’Alsace pratiquement plus d’un siècle de paix ; une paix armée. Elle a provoqué une sorte de transition, une sorte d’osmose entre une culture allemande, une culture politique différente et un espace, une culture française mais ensuite les alsaciens en ont tiré un certain nombre de bénéfices : les bénéfices de la paix, le maintient du statut-quo confessionnel… Le paradoxe c’est, par exemple, que le Roi de France a accepté en Alsace ce qu’il ne tolérait pas chez lui : la coexistence de catholiques et de protestants et du reste de juifs. C’est aussi une prospérité nouvelle, un aspect qu’on oublie…
Autre paradoxe, Strasbourg la protestante est restée neutre. Pourquoi ? Parce que cette ville avait compris que son intérêt était son pont, clé de l’Allemagne, pouvant être vendu au plus offrant. Elle va aussi et surtout profiter de la situation. Strasbourg, ville forte, va accueillir des réfugiés. Quand ils sont riches, c’est intéressant mais cela l’est aussi quand les réfugiés sont pauvres : on peut leur prêter de l’argent et, s’ils ne remboursent pas, récupérer leurs terres. Grâce à la Guerre de Trente Ans, Strasbourg, ville de banque, ville de pouvoir, va beaucoup mieux contrôler son arrière-pays en devenant une puissance financière et marchande tout à fait exceptionnelle. À Mulhouse, le phénomène est exactement le même. Mulhouse est une petite ville, alliée des Suisses, qui va rester neutre pendant que toutes les campagnes alentour se déchirent. Mulhouse voit affluer chez elle de l’argent (un peu comme la Suisse entre 1933 et 1945). Ce sont les conditions de la prospérité, l’accumulation primitive du capital. Le résultat est que ces villes marchandes vont imaginer des solutions astucieuses pour essayer de faire fructifier leur argent et vont passer, dans le cas de Strasbourg, à des activités marchandes lucratives. Pour Mulhouse ce sera des investissements dans l’industrie une fois la paix revenue. Autrement dit, cette guerre a été fondatrice d’une Alsace nouvelle.
Au terme de cet exposé, je voudrais vous dire que c’est presque une page que je referme ce soir avec vous, car alors que j’arrive presque à la fin de ma carrière, ma 1ère leçon d’Histoire en tant que jeune professeur a porté sur la Guerre de Trente Ans !
Questions du public
Le public présent a posé les questions suivantes :
Question : Est-il vrai que le Duc de Lorraine avait envoyé des troupes qui ont décimées l’Alsace ?
Réponse : Le duc de Lorraine a très mauvaise réputation. Bien entendu pour les impériaux qui se trouvent essentiellement à l’Est de la Forêt-Noire et éventuellement dans le Sud, le duc de Lorraine est un allié situé de l’autre côté du massif, donc un allié extrêmement commode du point de vue stratégique et tactique. Le duc de Lorraine est un prince catholique très puissant. Par conséquent, il va jouer un rôle tout à fait essentiel dans les opérations militaires en Alsace. C’est en grande partie à cause de lui que la guerre a duré plus longtemps.
Portrait en medaillon du Duc portant moultes broderies.
Charles IV de Lorraine.
A-t-il été plus cruel que les suédois ou les autres ? Je vous dirais que tout dépend du point de vue. Il va de soi que le duc de Lorraine, ou plutôt l’armée du duc de Lorraine, a été accueillie en libératrice dans certains secteurs catholiques d’Alsace. Chez les protestants en revanche, ils ont été accueillis comme les pires oppresseurs. Il y a eu effectivement des coups-de-mains. Je ne pourrai pas en parler avec beaucoup de détails, même si toutes les armées se comportent à peu près de la même manière. Il se trouve que le duc de Lorraine était incontestablement un très grand général, un chef de guerre doué qui a notamment remporté une victoire très importante à Freiburg im Breisgau. Il est aussi utile de rappeler que ses terres ont été occupées par l’armée française ou en partie par les suédois et les alliés des suédois presque plus souvent que le duc de Lorraine est venu en Alsace. Tout le monde a donc été victime de tout le monde, car il était parfois très difficile de savoir quel était l’ennemi qu’on avait en face de soi.
Question : Dans cette guerre on voit bien les moyens nécessaires. Il y avait des mercenaires, donc il fallait bien les payer et les impériaux possédaient l’argent de l’Amérique. Quels étaient les moyens des protestants ?
Réponse : La pompe à finances a fonctionné de tous les côtés. Il est utile de rappeler, par exemple, que le premier des chefs protestants, le Comte Palatin Frédéric V, était très riche parce qu’il était détenteur des péages du Rhin à la hauteur de Heidelberg et ailleurs. Le Roi de Suède était très riche parce que, par exemple, il avait des mines de cuivre qu’il exploitait et qui lui rapportaient beaucoup d’argent. Mais c’est plus de l’argent interne qu’on utilise que de l’argent externe, c’est-à-dire l’impôt. Les impériaux avaient probablement un atout que n’avait pas, enfin ça dépend, les villes protestantes qui sont assez nombreuses. Je pense à Nuremberg, Francfort, Strasbourg qui ont prêté de l’argent. Ainsi ça a marché avec le crédit en partie et l’argent du Roi de France qui en avait beaucoup grâce notamment à ses braves contribuables bretons, aquitains, etc. Il y avait aussi le recyclage du butin qui est quelque chose de très important.
Question : Le Roi de France, par exemple, avant qu’il n’intervienne directement militairement, avait prêté de l’argent ?
Réponse : Je pense que le Roi de France a dû financer assez rapidement les Princes protestants mais c’est une tradition très ancienne. Le Roi de France s’appuie sur les princes protestants depuis François 1er. C’est une technique qui marche très bien : les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Il y aurait effectivement parmi les choses qui peuvent jouer, des rivalités financières. Par exemple, les Pays-Bas avaient beaucoup d’argent et ont aussi en partie financé. C’était très compliqué mais, bien entendu, ça se traduisait aussi par des échanges de produits en tout genre. L’un des atouts de l’Autriche était ses propres mines, sur place, en Bohême et dans les Vosges. Mais l’expérience montre que les mines des Vosges étaient en train de s’épuiser ; en tout cas elles avaient perdu leur importance économique, mais on ne le savait pas encore…
Question : La Guerre de Trente Ans aurait ruinée encore plus la Lorraine, tant sur le plan humain que celui des richesses. Est-ce vrai ?
Réponse : Le problème est toujours le même : comment évaluer exactement le bénéfice ou la perte en argent ? C’est très difficile à dire. Il faut effectivement savoir que la Lorraine à la fin de la Renaissance est très prospère, grâce au sel, en partie aux mines, verre, papier… La Lorraine à connu un essor absolument extraordinaire au XVIème siècle. Il se peut qu’effectivement elle ait eu beaucoup de peine à s’en remettre même si les dégâts physiques ont pu être moindre. On peut le savoir parce qu’on a des indicateurs : les administrations lorraines tenaient très bien leurs comptes et on a en particulier les comptes des péages. On sait, par exemple, que les marchandises circulent moins. Donc là, il y a une perturbation importante. La Lorraine a perdu son rôle de zone de transit international pendant cette guerre là. Il se peut que cela ait aussi motivé une partie de ses interventions…
Question : Pourriez-vous nous parler très succinctement des conséquences de la Guerre de Trente Ans sur la vallée de la Bruche ? On a lu et on sait par l’histoire que la Guerre de Trente Ans a fait des ravages ici, que des villages ont été fortement mis à contribution et qu’il y eut par la suite un repeuplement.
Réponse : J’aurais beaucoup de peine à vous donner des exemples précis dans la vallée de la Bruche, que je connais très mal, mais ce qu’il est important de dire est, qu’effectivement, il y a eu un dépeuplement. Ce dépeuplement se produit par élimination physique, des gens meurent, mais aussi par le non-renouvellement des générations. Il y a aussi et surtout les départs des gens qui vont au loin. À ma connaissance, il n’y a pas eu de village entièrement dépeuplé ; en revanche on sait qu’à partir de 1662, ou même un peu plus tôt, des mesures de repopulation ou de repeuplement sont prises. Ces mesures consistent en grande partie à inciter des étrangers, des immigrés, à venir s’installer.
Sur un axe allant de la Lorraine à la mer Baltique, les régions du centre de l'Allemagne ont perdu entre 33% et 66% de leurs populations.
Réductions des populations
Par Schoolinf3456.
Quels sont ces immigrés ? D’une part des gens venant de régions épargnées par la guerre. L’exemple le plus connu est celui des suisses. Autour de 1650, la Suisse a connu des troubles, des révoltes, qui étaient en grande partie imputables à un surpeuplement de ses campagnes. Autrement dit, un jeu de vases communicants fait qu’une immigration suisse s’est produite. On la connaît bien par la généalogie, car si je prends mon cas, une partie de ma famille vient du pays de Lucerne. Pratiquement toutes les familles ont la même caractéristique (en tout cas les gens qui ont des racines locales plus ou moins faciles à suivre). Il y a d’autres régions ayant également envoyé des immigrants. Par exemple, dans le pays de Hanau, on trouve à côté de Lichtenberg un lieu dit appelé la « Picardie ». On pourrait trouver d’autres exemples : il y a des gens isolés qui font souches, parfois d’anciens soldats, ça peut aussi jouer. J’ai aussi un de mes ancêtres, un pauvre type, qui un jour a été blessé du côté de Colmar et est resté sur place où il a épousé une fille du pays, c’est archi-courant.
Il va de soi que le repeuplement n’a pas été aussi rapide que ce qu’on peut imaginer. Il y a des régions où le flux d’arrivée d’immigrants a duré jusqu’au début du XVIIIème siècle. Parfois on les encourageait en leur donnant des terres, preuve que les terres étaient abandonnées. On sait aussi que certains de ces immigrants ont introduit des coutumes qui n’existaient pas, des habitudes qui n’étaient pas connues. C’est ce qu’on dit dans la vallée de Münster, repeuplée en partie avec des bernois, on y prêtant que le fromage de Münster actuel viendrait de ces immigrants. Je ne sais pas si c’est vrai, mais je sais qu’avant la Guerre de Trente Ans le fromage de Münster était une pâte cuite, dure, une sorte de tome. Donc il se peut quand même que chronologiquement quelque chose se soit passée.
Je pense pouvoir vous dire que ce qui a fait le plus pour repeupler l’Alsace : plus que l’immigration, c’est la pomme de terre qui, effectivement, c’est développée à ce moment-là. Elle est venue très tôt, avant la Guerre de Trente Ans, mais elle ne s’est vraiment développée qu’après parce que la pomme de terre garantissait au moins de quoi se nourrir pendant la morte saison. C’est relativement bien documenté bien que dans les manuels scolaires français on vous dit toujours que c’est Parmentier qui a introduit la pomme de terre à la cour de Louis XVI autour de 1780. Vous voyez que l’Alsace avait une avance de 150 ans ! C’est quand même pas mal.
Et puis il y a aussi probablement d’autres types d’immigrants, par exemple, dans le Ban de la Roche, dans les terres de Salm, un peu plus tard au XVIIIème siècle, l’arrivée des anabaptistes qui venaient aussi de l’Oberland bernois. Ils font partie de ces différends flux.
En réfléchissant un peu plus on constate que ces flux ne sont pas des nouveautés absolues, et je voudrais faire une remarque que je n’ai pas encore eu l’occasion de faire, qui est que cette Guerre de Trente Ans a été tellement épouvantable et a représenté une telle cassure dans l’esprit des gens, que beaucoup ont oublié ce qu’il y avait avant, oublié les autres guerres, les autres immigrations et tout se passe comme si les Suédois étaient à l’origine de tout. Je vais donner deux exemples : 1. une chanson populaire, recueillie au XIXème siècle dans le Sud de l’Alsace, du côté du Ballon d’Alsace, raconte une révolte contre des prédateurs, des ennemis. Les gens ayant recueilli cette chanson, une balade populaire appelée le « chant du Rosemont », se sont dit qu’elle se rapportait aux événements de la Guerre de Trente Ans. Tout le monde était d’accord, tout le monde pensait que cette tradition remontait à ce moment-là. Hors, on sait depuis que cela raconte un épisode qui a eu lieu 100 ans plus tôt, pendant la Guerre des Paysans (La Guerre des Paysans, Georges Bischoff, La Nuée bleue, 2010 ISBN 2-716-50755-4) qui a été la grande insurrection paysanne de 1525. 2. le deuxième exemple concerne les sites de villages abandonnés. Vous trouvez dans les livres et dans les témoignages des gens à qui on pose des questions telles que « depuis quand cet endroit est abandonné ? ». Ils vous répondent « depuis la Guerre de Trente Ans, depuis la guerre des Suédois ». La réalité est tout autre. Je prends un exemple que je connais bien du côté d’Ensisheim où je sais qu’un village avait été abandonné au XIVème siècle et n’a été réaménagé qu’au XVIIème siècle. C’est le village de Rustenhart. Donc au moment de la reconstruction on a imaginé qu’on reconstruisait des villages disparus pendant la guerre alors qu’en réalité ils avaient disparu depuis trois ou quatre siècles. On s’est focalisé sur cet événement de la Guerre de Trente Ans.
On trouve aussi a peu près partout des gens faisant de la généalogie et disant « je ne peux pas remonter au-delà de la Guerre de Trente Ans ». Ceci est parfaitement vrai parce qu’il est assez rare d’avoir des registres paroissiaux d’avant la Guerre de Trente Ans, car dans la plupart des villages, les registres n’ont été ouverts qu’après le concile de Trente (à la fin du XVIème siècle) et que pas mal d’entre eux ont du être perdus pendant les événements de la Guerre de Trente Ans.
La réalité est que cette guerre n’a pas tellement détruit. Elle a beaucoup pillé, elle a tué par excès ou par défaut, mais elle n’a pas tellement détruit. Pour s’en rendre compte, on peut prendre le cas de Riquewihr ou d’autres exemples à l’entrée de la vallée de la Bruche, à Altorf, Rosheim, Dorlisheim qui est un village ouvert et que sais-je encore. Quand vous allez dans ces villages, vous constatez, comme dans le cas de Riquewihr, où on a fait des statistiques, que les deux tiers des maisons datent d’avant la Guerre de Trente Ans. Ce qui veut dire qu’elles n’ont pas été détruites puisqu’elles sont là ! Je dis ceci pour essayer de réviser l’interprétation un peu trop noire que l’on peut faire. Ça ne veut pas dire que la guerre n’a pas existé mais qu’il faut bien nuancer. Aussi, quand on fait l’histoire des édifices, on constatera que le nombre d’églises brûlées (l’église est en général le lieu le plus emblématique d’un village, d’une ville) est tout à fait infime. La guerre a été terrible mais, malgré tout, le pire était les batailles en rase campagne et les sièges, peu nombreux ; bien que les cas de localités assiégées aient laissé de nombreuses traces.
Enfin, on trouve souvent une légende très tenace disant « nous, en Alsace, on a tous du sang suédois. Ils sont passés par là et ont laissé un certain nombre de leurs chromosomes ». D’abord il n’est pas nécessaire d’être suédois pour être blond et, ou grand, mais cette tradition est très romanesque.
Se dire qu’on descend de suédois parce-qu’on a le type ou le physique scandinave : grand, yeux bleus… c’est très valorisant, car les suédois (et suédoises) ont une réputation de beauté, d’intelligence, de travail, d’Ikea, de Volvo, etc. Alors qu’avec un peu de chance, les petits croates, les hongrois, les italiens, les espagnols du Sud de l’Espagne ont laissé plus de chromosomes que les suédois. Ils étaient à coup sûr plus nombreux mais c’est beaucoup plus valorisant autrement. En plus les suédois ne sont pas de vrais allemands et pour nous alsaciens qui sommes quand même globalement d’origine germanique, ça fait mieux d’avoir sur une carte de visite un pedigree de suédois.
Question : Pensez-vous que cette configuration de l’Alsace à l’issue de la Guerre de Trente Ans a eu une influence sur son histoire, sur ses hésitations entre France et Allemagne ?
Réponse : Je crois que ce que vous dites est très important parce que c’est effectivement à la suite de cette guerre que l’Alsace est devenue française, qu’elle est passée dans l’orbite française, mais avec quelque chose qu’on oublie souvent de dire : l’Alsace est une région de l’Allemagne historique. Elle est l’interface la plus rapide, la plus directe avec l’espace francophone. La preuve, le milieu de la vallée de la Bruche est la zone de partage des langues, c’est-à-dire que bien avant la domination française, l’Alsace est la région allemande la plus ouverte à ces échanges et inversement. C’est en quelque sorte un goulot, tout dépend dans quel sens on se place. En tout cas c’est le scotch, l’endroit où la relation se fait. Il va de soi que cette annexion a renforcé la chose, une double appartenance avec probablement une autre donnée importante : le vainqueur a été habile en réussissant à se faire reconnaître comme arbitre.
Je répète le mot d’ordre de l’intendant de Louis XIV qui disait « il ne faut point toucher aux usages de l’Alsace ». L’idée était de se dire « on est là, on coiffe le tout mais, en même temps, on va essayer de respecter les gens plus ou moins bien ». Parce que le Roi de France est quand même plus catholique que protestant. Mais, malgré tout, il garantit une certaine paix et c’est quelque chose d’important. C’est probablement à la fois une séduction que le royaume de France a exercé sur toute l’Allemagne, mais aussi particulièrement sur l’Alsace, qui a contribué à rendre l’Alsace française, incontestablement, en lui offrant de nouveaux horizons, en la valorisant, en faisant une sorte de vitrine. Bien entendu la question qui se pose est de savoir si le fait d’avoir subi une guerre abominable (tout comme d’autres régions d’Allemagne dans des proportions semblables) n’a pas rendu les Alsaciens plus fatalistes. Mais vous savez l’être humain oublie très vite. Il se peut que ça ai joué. En tout cas cela a au moins garanti un statut-quo ayant permit une coexistence des deux cultures : allemande et française, de deux confessions, voir plus : catholique et protestante, de deux systèmes politiques : celui très local existant en Alsace et le système très général, très centralisé qui existait en France.
Tout ça fait que « Hans im Schnokeloch » a pu naître dans de bonnes conditions, que les contraires on pu peut-être s’accommoder et ça a peut-être aidé à rendre les alsaciens plus expérimentés, peut-être plus ouverts. Pourquoi pas ? En tout cas il se peut que ça ait effectivement un impact encore durable. Il faut effectivement actualiser des situations, mais il faut éviter de faire trop de contre-sens. L’adverbe « toujours » je ne l’utilise pas beaucoup dans mon vocabulaire parce que je m’en méfie. En revanche il y a quand même des situations qui se reproduisent et je crois que ce qui est important c’est que nous avons la chance d’être dans une région possédant une expérience extraordinaire. Une expérience qui fait que nous sommes, et je reprends l’expression « l’équateur de l’Europe », l’endroit où deux hémisphères, deux mondes se rencontrent et où on est infiniment plus près d’ailleurs. Nous avons une double proximité qui est un atout extraordinaire. L’Alsace est vosgienne et rhénane. C’est une richesse. Je pourrais vous faire un beau couplet sur la nécessité de faire de Strasbourg la capitale de l’Europe, je ne vais pas le faire ici, ça nous mènerait très loin…
Remerciements
Mercis au Professeur Georges Bischoff et au public pour ses questions.
|


C'est aussi une véritable fuite des cerveaux. Ils avaient perdu leurs biens mais emporté le plus
précieux, leur savoir-faire. La plupart d'entre eux savaient lire - chose peu répandue à l'époque -,
car la lecture de la Bible était quotidienne dans leur culte.
Les huguenots relevèrent un certain nombre de villages détruits
par la guerre de Trente Ans.
Nombre de paysans avaient développé des connaissances en
agronomie et en irrigation (cf. les travaux de l'ardéchois Olivier
de Serres, protestant actif, pionnier de la sériciculture).
Beaucoup étaient ingénieurs, architectes, artisans, à la pointe
des techniques nouvelles : imprimerie et industrie du papier, les
métiers du tissu et du cuir (chapeliers, tanneurs, chamoiseurs,
mégissiers, gantiers, boutonniers, brodeurs), et aussi rôtisseurs
et pâtissiers, horlogers (automates de Brême), orfèvres,
bijoutiers et joailliers. Dans tous ces domaines ils jouèrent un
rôle moteur, créant aussi une industrie du luxe, principalement
destinée à satisfaire les besoins de la Cour (dentelles, draps
d'or…).
Citons par exemple Denis Papin, génial inventeur, calviniste
fuyant les persécutions, installé à Londres dès 1675 (Royal
Society), puis en 1688 à Marbourg en Hesse.
Les huguenots contribuèrent au développement des
manufactures et à la vulgarisation des techniques, apportant
surtout une nouvelle culture basée sur l'activité industrieuse,
qui contribuera largement au développement de l'économie préindustrielle de la Prusse.
-
En Hesse :
1.360 familles de réfugiés s'installent en 1686 à Francfort-sur-le-Main. Cette ville libre, qui est
luthérienne, joue surtout le rôle de plaque tournante vers les principautés calvinistes : la HesseHombourg, les comtés de Lippe et de Clèves, le Palatinat (Mayence) qu'ils devront à nouveau fuir
lorsque les troupes de Louis XIV commandées par Louvois ravagèrent cette principauté en 1689
(guerre de la Ligue d’Augsbourg). Autre erreur de Louis XIV, qui monta l'opinion allemande contre lui.
Deux villes nouvelles (Friedrichsdorf et Neu-Isenbourg) sont fondées en 1686 près de Francfort par
des réfugiés français venant de Picardie et de la Brie.
En Hesse du nord (Hesse-Kassel), l'édit d'accueil et de privilèges promulgué le 18 avril 1685 par le
landgrave Charles 1er (1671-1730) accorde des libertés et des concessions aux réfugiés qui
viendraient s’établir dans ses États : droit d’avoir leur juridiction spéciale, facilités d'installation
pour ceux désireux de créer une entreprise manufacturière ou artisanale. Parmi les entreprises
fondées par les huguenots, citons les soieries, les manufactures de gants, de toiles, ou encore de
verreries. Plus de 4.000 réfugiés contribuent ainsi à la prospérité de cette région centrale.
Deux villes sont fondées pour les accueillir : la Nouvelle Ville Haute de Kassel, et Karlshafen, créée
sur l’emplacement d’un ancien village médiéval. L’architecte est un réfugié, Jean-Paul du Ry.
UPA 2016-2017 - L'étranger, l'étrange : Immigration huguenote en Allemagne au XVIIème siècle - F. Riether 10/20
 marcel.jacob@wanadoo.fr
|
 |