Sarre-Union Chalet Imbert 2/3
Le guérisseur qui a défrayé la chronique
L’histoire du chalet Imbert a été marquée il y a quelques années par le personnage de Wilfried Blawert, un guérisseur allemand. Certains Sarre-Unionnais affirment avoir, aujourd’hui encore, des frissons dans le dos en longeant le mur du chalet.
À la fin des années 80, un certain Wilfried Blawert, de nationalité allemande, qui se prétend comte von Girsberg, arrive à Sarre-Union. Il sympathise avec André Imbert, dernier fils de l’inventeur du gazogène à bois, dont la famille habitait la maison appelée « chalet Imbert ». Blawert en loue une partie.
L’homme se fait appeler Wilfredo. Il inspire le respect. Son véhicule affiche une plaque du corps diplomatique. Ses courriers sont signés : « Prof. Dr Wilfredo Blawert von Girsberg, director del centro de salud de la Universidad del Beni, Bolivia ». « Il était grand et sec, avait un regard perçant, une barbe et des cheveux blancs. Il était déstabilisant et envoûtant, il le savait et en jouait », se souvient Eric Franz, gendarme à Sarre-Union.
André Imbert meurt le 11 avril 1997. Après sa mort, Wilfried Blawert reste au chalet où il accueille des patients auxquels il vante ses « dons de guérisseur ». « Il se faisait payer en liquide, en poules ou en monnaies farfelues. Des gens entraient et sortaient sans cesse. Les plaintes et incidents ont commencé », poursuit Eric Franz.
Mystérieuses injections
En 2005, une dame s’adresse aux gendarmes. Elle les informe que son père confie depuis des mois sa santé à Blawert, lequel lui aurait fait de mystérieuses injections. Elle considère que son père est sous emprise psychologique.
À l’époque, Blawert ne fait pas l’objet de poursuites, à part deux PV, l’un pour défaut d’assurance, l’autre pour défaut de contrôle technique de son véhicule. Il reçoit aussi un avertissement de la gendarmerie au sujet de la plaque du corps diplomatique posée négligemment sur le pare-brise.
Un jour, la police de Sarrebruck avertit les gendarmes de Sarre-Union que Blawert est soupçonné d’avoir fait usage de faux documents. Les gendarmes de Sarre-Union ouvrent l’œil. En mars 2007, l’individu est interpellé pour avoir utilisé du courrier à en-tête de la ville de Sarre-Union et signé des missives du nom du maire Marc Séné.
Les gendarmes déclenchent une perquisition du chalet. Une pièce est pleine de papiers à lettres à en-têtes différents, dont celui de l’ONU, de faux tampons, de documents falsifiés. « Il niait tout. Il a déclaré qu’il était titulaire de licences pour pratiquer ce qu’il appelait de la médecine tropicale ; il se disait conseiller du président de Bolivie, prétendait toucher une rente de cet État », explique Éric Franz.
Blawert est mis en examen pour faux et usage de faux. Même son titre de comte de Girsberg est farfelu. Une photographie accrochée au chalet le représentait devant le château de Girsberg mais la lignée des seigneurs de Girsberg s’est éteinte autour du XVe siècle…
Après la perquisition, il faut quatre camions pour tout emporter
Ceux qui ont suivi la perquisition disent avoir été impressionnés par l’état du chalet. S’entassaient pêle-mêle des ouvrages sur les médecines parallèles, les plantes ou les préceptes aztèques. Il y avait aussi des lettres de patients qui demandaient de se faire soigner à distance et avaient envoyé une photo de la lésion dont ils souffraient. Des fioles contenaient des produits étranges.
« Il a fallu quatre jours de perquisition pour tout contrôler. Nous avons ramassé l’équivalent de quatre camions. Nous avons entendu des dizaines de personnes. Blawert n’était inscrit ni à l’Ordre des médecins français, ni chez les Allemands », se souvient Eric Franz.
Détenu à la prison de Strasbourg-Elsau, Blawert est à nouveau mis en examen, cette fois pour exercice illégal de la médecine. Les gendarmes commencent à s’interroger sur la mort d’André Imbert, dix ans plus tôt. Mais le guérisseur nie toute implication, affirmant n’avoir administré aucun soin à André.
Les investigations devaient aboutir début octobre 2007 à une mise en examen pour « séquestration suivie de mort ». Les gendarmes étaient prêts à exhumer le corps d’Imbert. Mais deux jours après avoir appris les graves accusations dont il faisait l’objet, Blawert décéda. Il avait 74 ans. L’action publique concernant l’ensemble de ces faits était dès lors éteinte.
Le parquet de Strasbourg a ouvert une information pour recherche des causes de la mort de Blawert. Il se demandait si le guérisseur ne s’était pas suicidé. Mais l’autopsie n’a rien révélé de suspect.
Les rares amis qu’André Imbert avait conservés après un long séjour aux États-Unis s’étaient inquiétés pour lui dès l’entrée de Blawert dans sa vie. Une dame se souvient : « André est tombé malade au milieu des années 1990, il s’est isolé peu à peu. Souvent, c’est Blawert qui répondait au téléphone ou à la porte d’entrée, à sa place. Il s’imposait de plus et plus. C’était étrange. »
Coutume indienne
L’amie de cœur d’André, la peintre Gertrude Chall, vivait au chalet depuis trois ans et demi quand elle a dû partir. « Je n’osais rien dire. Je n’avais rien à dire de toute façon. Blawert a fini par me faire fuir de cette demeure que j’aimais tant ; quitter André m’a fait mal. » La peintre a réalisé des dizaines de toiles de la famille Imbert et du chalet, une période de sa vie qui l’a profondément marquée.
Jean-Louis Wilbert, habitant de Keskastel et historien local, raconte une scène qui l’a marqué : « Lorsque le corps d’André Imbert reposait à la morgue de Sarre-Union, j’ai vu sous le cercueil une paire de mocassins. J’en ai demandé la raison à Blawert. Il a répondu que c’était une coutume indienne ; il prétendait que ces mocassins permettraient à Imbert d’atteindre les grandes prairies de l’Éternel ! »
Cet aticle fait suite à un premier volet sur l’histoire du chalet Imbert paru le 31 août dans les DNA. Il a été écrit avec les informations et les archives d’Éric Franz, chargé de l’enquête à l’époque, et de plusieurs Sarre-Unionnais qui ont souhaité rester anonymes.
vu dans les DNA du 14/10/2014
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